Le juge commis à la surveillance du Registre du commerce et des sociétés peut-il s’opposer au transfert dans un pays de l’Union européenne du siège d’une société ? La cour d’appel de Paris statuant gracieusement répond par la négative à cette question par un arrêt du 3 juin dernier.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Marie-Pierre Souweine, avocat associé, Hoche Société d’Avocats
L’affaire qui a suscité cet arrêt était assez banale : un résident français avait décidé de transférer à l’étranger sa résidence fiscale.
Afin de couper court à tout débat sur sa résidence fiscale, il avait aussi souhaité transférer dans un pays autre que la France la société de forme civile qui gérait l’essentiel de son patrimoine. On sait en effet que dans de nombreuses conventions fiscales signées par la France, le «centre des intérêts économiques» constitue l’un des critères susceptibles de déterminer l’Etat dont une personne physique est résidente.
Lorsque l’essentiel du patrimoine de l’intéressé est détenu à travers une société holding, il est donc vivement conseillé de transférer celle-ci hors de France en même temps que son principal associé.
Ceci peut conduire à transférer dans un autre Etat de l’UE le siège de ladite société, ce qui a pour effet d’entraîner sa radiation du RCS français.
Une demande en ce sens avait donc été déposée auprès du greffe après que les associés se furent prononcés sur le transfert du siège de la société en Belgique avec maintien de la personnalité morale de celle-ci, conformément à l’article 112 du Code du droit international privé belge.
La société avait été ainsi régulièrement immatriculée sur le registre des sociétés belges.
Très logiquement, elle avait sollicité sa radiation du registre français, ce qui lui fut refusé au motif que cette radiation ne pouvait intervenir sans l’autorisation du juge commis à la surveillance du registre.
Sollicité en ce sens, le juge prit une ordonnance rejetant la demande de la société qui se voyait ainsi immatriculée en France et en Belgique.
Il a été interjeté appel de cette ordonnance et, dans l’arrêt qu’elle a rendu, la cour de Paris a clairement jugé qu’«aucune disposition du droit national [français] n’empêche qu’une société constituée en France ne se transforme en une société de droit national d’un autre Etat membre de l’Union pour autant que ce droit le permette», ce qui, au cas d’espèce, n’était pas contestable.
Au surplus, précise la cour, «la survie de la personnalité morale [n’est] pas affectée par la transformation de la forme sociale de l’intéressée, de société civile non connue du droit belge en société en nom collectif».