La décision « SPIE Batignolles » rendue par le Conseil d’Etat le 26 avril 2024 (n° 466062) douche les espoirs d’imputation par les sociétés françaises des pertes définitives de leurs établissements stables européens.
Une société française décide d’immatriculer en 2000 une succursale au Luxembourg pour les besoins de la réalisation d’un important chantier de construction. Cette succursale dégage d’importants déficits, notamment dans les premières années. Elle cesse toute activité en 2015 et est alors radiée du registre du commerce et des sociétés luxembourgeois. Entre-temps, la société française est devenue membre d’un groupe d’intégration fiscale (en 2008).
Le litige soumis au Conseil d’Etat porte sur la possibilité, pour la société mère du groupe intégré, de demander au titre de l’exercice 2015 la prise en compte, au niveau du résultat individuel de sa filiale, des déficits accumulés par la succursale luxembourgeoise. La société requérante estimait qu’une telle imputation était légitime sur le fondement de la liberté d’établissement, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la CJUE depuis l’arrêt « Marks & Spencer » du 13 décembre 20051.
L’administration fiscale rejeta cependant la demande en faisant observer qu’une telle imputation est impossible pour plusieurs raisons : d’une part, le droit interne comme la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 (encore applicable en 2015) font obstacle à l’imputation en France des pertes d’un établissement stable luxembourgeois ; d’autre part, admettre l’imputation de ces déficits aboutirait, au cas particulier, à placer la société française dans une position plus favorable que si elle avait eu une succursale en France, car les règles de l’intégration fiscale encadrent les conditions d’imputation des déficits d’une filiale lorsque ceux-ci ont été dégagés avant son entrée dans le groupe intégré.