Récemment, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)(1) a considéré, en réponse à une question préjudicielle, que la réglementation sur les pénalités de retard de paiement entre professionnels issue de la directive 2011/7 devrait également s’appliquer dans les relations entre un bailleur professionnel et son client, car les bailleurs commerciaux relèveraient, selon elle, du champ matériel de la directive en qualité de «prestataires de services».
Par Nathalie Pétrignet, avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats
La Cour justifie cette interprétation par le fait que la directive relative à la lutte contre les retards de paiement a un champ d’application très large puisqu’elle vise «toutes les transactions». De plus, si elle ne comporte pas une définition des notions de «fourniture de marchandises» et de «prestation de services», elle ne renvoie pas non plus aux droits nationaux pour les définir. Dans ces conditions, Il convient d’adopter une interprétation uniforme dans toute l’Union européenne, en lien avec le principe d’égalité.
Cette solution, transposable à tous les droits nationaux de l’UE, est contraire à la position de la Cour de cassation(2) (Cass. 3e civ. 15/02/2018 n° 17-11.329 FS-PBI) qui de son côté ne range pas les baux commerciaux dans la catégorie des services.
L’arrêt du juge européen emporte un certain nombre de conséquences.
Dorénavant, les bailleurs pourront se fonder sur l’article L. 441-10 du Code de commerce pour exiger des pénalités de retard de leurs locataires professionnels qui règlent leur loyer en retard. Celles-ci ne pourront être inférieures au taux minimal de 2,52 % (depuis le 1er juillet 2020), correspondant à trois fois le taux de l’intérêt légal (= 3 × 0,84 %)).
Pour autant, une difficulté pratique et juridique risque de se présenter : les pénalités de retard ne sont exigibles que le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes sont payées après cette date. Or, en matière de baux commerciaux, ce sont des avis d’échéance ou des appels de loyers, et non des factures en bonne et due forme, qui sont émis par les bailleurs.