Les entreprises optent de plus en plus massivement pour le recours au travail indépendant. Quels sont les risques attachés à cette révolution du travail ?
Par Roselyn Sands, associé, et Laurent-Paul Tour1, associé, EY Société d’Avocats
Le salariat est aujourd’hui la pierre angulaire du Code du travail, ainsi qu’en témoignent les débats autour de la loi El Khomri sur les conditions de la conclusion et de la rupture du contrat de travail. Toutefois, on assiste depuis peu à l’explosion du recours au travail non salarié en France : 2,8 millions d’actifs (contre 2,3 millions en 2008) exercent aujourd’hui une activité non salariée. Ce phénomène, qui n’est pas propre à la France, conduit à appliquer le néologisme d’uberisation à la force de travail, ou le terme de «gig economy».
Plusieurs études ont mis en avant la révolution digitale et le développement des plates-formes collaboratives, tout comme la soif d’entreprendre de la génération Y, comme autant d’explications à cette révolution. D’autres mettent l’accent sur le chômage de masse qui conduit à enchaîner plusieurs tâches ou missions («jobbing»), sous différents statuts (intérimaire, CDD, auto-entrepreneur, etc.) à défaut de pouvoir décrocher le graal du CDI à temps plein. Cette uberisation est-elle voulue ou subie ? Quelles sont les raisons conduisant les entreprises à recourir de plus en plus souvent à des travailleurs indépendants ?
Si le contrat de travail classique permet de développer une expertise interne durable, les charges sociales qui y sont attachées, sa rigidité et ses contraintes (réglementation du temps de travail, représentation du personnel, coûts liés à la rupture, etc.) ne permettent pas toujours aux entreprises de s’adapter en temps réel à l’évolution de leurs besoins.