Un même événement peut-il être daté de deux manières différentes ? Probablement la sécurité juridique s’y oppose-t-elle. La raison aussi. Et le conflit de dates est d’autant plus fort lorsqu’il s’agit de la cessation des paiements puisque celle-ci conditionne bien souvent la responsabilité du dirigeant.
Par Isabelle Buffard-Bastide, avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre.
Une jurisprudence contestée retenait occasionnellement une date différente de celle qui avait été déterminée au moment de l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation, lorsqu’il s’agissait de se prononcer sur les sanctions patrimoniales ou professionnelles du dirigeant. Ainsi, par exemple, alors qu’un jugement d’ouverture estimait que la société considérée était en état de cessation des paiements au 1er septembre de l’année n, rien n’interdisait au même juge, selon cette jurisprudence, de sanctionner, quelques mois plus tard, un dirigeant qui n’aurait pas déclaré la cessation des paiements au 1er février de la même année, donc plusieurs mois avant.
Ceci était très contestable dans la mesure où la cessation des paiements ne peut désigner qu’une réalité unique : l’impossibilité, pour un débiteur, de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le pragmatisme du droit comptable excluait nécessairement que cette situation puisse, pour un sujet de droit déterminé, naître à deux moments différents. En outre, tandis que le juge saisi de l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire ne pouvait faire rétroagir la date de la cessation des paiements à plus de 18 mois, ce même délai ne s’appliquait plus à lui lorsqu’il était question de sanctionner patrimonialement ou professionnellement le dirigeant.
Dans un arrêt rendu en date du 4 novembre 2014 appelé à une très large diffusion, la chambre commerciale de la Cour de cassation semble avoir...