Dans un arrêt du 23 juin 2014 (CE 23 juin 2014, n° 360708, Groupement Charbonnier Montdiderien), le Conseil d’Etat a jugé que le schéma consistant, pour une société, à combiner l’acquisition de titres de deux sociétés sans activité et ne détenant que des actifs financiers de rapport, la perception de dividendes exonérés de ces deux filiales en application du régime des sociétés mères et filiales, et la déduction corrélative d’une provision pour dépréciation des titres à raison de la perte de valeur provenant précisément de l’appauvrissement consécutif à la distribution, est constitutif d’un abus de droit fiscal.
Par Jean-Christophe Bouchard, avocat à la Cour, NMW avocats.
L’avantage fiscal provenait de ce que les dividendes étaient exonérés immédiatement en raison de l’option exercée par l’actionnaire pour le régime des sociétés mères et filiales, tandis que la perte de valeur consécutive aux distributions était quant à elle déductible pendant les deux premières années de détention. C’est cette asymétrie dans l’application temporelle des dispositions fiscales qui constituait la clé de l’avantage fiscal.
La qualification d’abus de droit avait été écartée par la cour administrative d’appel de Paris, au motif d’une part que l’opération litigieuse ne résultait pas d’un montage, car il n’avait nullement été constitué de société interposée pour l’occasion, et d’autre part que l’opération ne méconnaissait pas les objectifs de l’article 216 du CGI relatif au régime des sociétés mères-filiales.
La haute juridiction, jugeant au fond, déclare que le schéma est constitutif d’un abus de droit.
En effet, si la société acquéreuse remplissait les conditions légales pour bénéficier du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du CGI alors applicables, si elle a pris l’engagement de conserver les titres pendant deux ans, et si les opérations litigieuses n’ont pas été rendues possibles par l’interposition d’une ou de sociétés spécialement créées à cette fin, la société acquéreuse n’a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement des sociétés acquises et ne s’est pas comportée à leur égard comme une société mère, mais a au contraire favorisé leur disparition à travers des distributions successives les vidant de toute substance.
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