« D’une utilisation imprécise, tous les mots ont perdu leur tranchant »1. L’étude de la jurisprudence récente en matière de pactes d’actionnaires s’inscrit dans le sillon de cet avertissement, en se révélant une source d’enseignements utiles pour la pratique de ces conventions dont l’originalité tient notamment à leur souplesse, leur confidentialité et leur inventivité. Elle apporte aussi des ajustements et des clarifications utiles pour que ces accords extra-statutaires puissent efficacement répondre aux aléas de la vie des sociétés et, dans une certaine mesure, résister à l’usure des années. Cette revue sélective invitera, une fois n’est pas coutume, à inciter tout à la fois à la prudence dans l’application de règles strictes et à la créativité dans l’imagination de possibilités nouvelles.
1. Valeur du pacte (en attendant la suite)
La question de l’articulation entre les statuts et les actes extra-statutaires reste un enjeu à suivre, dans l’attente d’une probable décision de la Cour de cassation dans la suite de cet arrêt de cour d’appel ayant approuvé, dans le cadre d’une révocation du président, la dérogation aux statuts d’une SAS par une décision unanime des associés postérieure, en l’occurrence une « décision collective prise aux conditions requises pour modifier les statuts », qui « s’impose à la société quand bien même les statuts n’auraient pas fait l’objet d’une modification » (CA Paris, 5-9, 16 nov. 2023, n° 22/10344). Cette solution s’inscrit en effet directement en résistance à la solution prônée par la Cour de cassation d’après laquelle « si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger » (Cass. com., 12 oct. 2022, n° 21-15.382). En pratique, si le régime de révocation du dirigeant prévoit des garanties, soit les statuts ne prévoient rien, soit une modification des statuts sera nécessaire pour éviter toute contradiction avec les accords qui seront intervenus postérieurement.
Aussi est-il intéressant de mentionner cette décision intervenue entre-temps, et relative à la violation d’un pacte d’associés, qui prévoyait un organe particulier pour révoquer le dirigeant (Cass. com., 18 sept. 2024, n° 22-23.075).
Aux termes d’un pacte d’actionnaires signé entre trois associés personnes morales d’une SAS, il était notamment prévu que la révocation du président...