Comment articuler sanctions pénales et amendes fiscales ? Deux récentes décisions de la CEDH viennent apporter un éclairage intéressant sur cette question.
Par Eric Ginter, avocat associé, Hoche société d’avocats, chargé d’enseignement à Paris Dauphine.
Ainsi qu’on a pu le constater dans une affaire jugée en France en vertu du principe d’indépendance des procédures fiscales et pénales, un contribuable peut être poursuivi et condamné pour fraude fiscale alors même que l’administration s’est désistée devant le juge de l’impôt1, ce qui n’a pas manqué de choquer les commentateurs.
Une telle situation est-elle conforme aux droits de l’homme et, plus généralement, est-il compatible avec les principes garantis par la Convention européenne des droits de l’homme d’être ainsi poursuivi pour les mêmes faits devant deux juridictions distinctes, au risque de décisions contradictoires entre elles ?
Au Portugal, la loi prévoit qu’en pareilles circonstances, la procédure pénale doit être suspendue dans l’attente d’une décision devenue définitive sur le plan fiscal, ce qui doit en principe éviter une éventuelle contradiction de jugements.
Cette solution n’est toutefois pas totalement satisfaisante, ainsi que l’a montré l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire où, par suite des lenteurs de la procédure fiscale, plus de 14 ans après les faits qui lui étaient reprochés, un contribuable restait dans l’attente de la décision que le juge pénal, saisi par l’administration fiscale, était susceptible de rendre à son encontre2.
La Cour a jugé qu’une telle suspension des poursuites, qui par elle-même n’était pas critiquable, ne dispensait pas les juges nationaux de se prononcer dans un «délai raisonnable», ainsi que le prévoit l’article 6 §1 de la Convention qui, en l’espèce, n’avait manifestement pas été respecté.