« On ne peut pas produire n’importe quoi, n’importe comment, quel qu’en soit le prix humain, social et environnemental » défendait la députée européenne, Marie Toussaint, lors de débats devant le Parlement européen de Bruxelles le 8 mars 2021 à propos du Projet de directive européenne relative au devoir de vigilance et à la responsabilité des entreprises. Mais le « devoir de vigilance » peut-il pour autant devenir la condition sine qua non de commercialisation sur le marché intérieur européen ?
Par Victoria Godefrood-Berra, avocat, Hogan Lovells
1. Une nécessité de réglementer les chaînes de valeur et de responsabiliser les entreprises, issue d’un constat humain et environnemental alarmant
1.1. Un constat alarmant
L’Organisation internationale du travail estime que près de 25 millions de personnes dans le monde sont victimes de travail forcé : un peu moins de 21 millions (soit 83 %) seraient exploitées dans les circuits de l’économie privée (par des particuliers ou des entreprises privées), les 4 millions restants subiraient le travail forcé imposé par l’Etat lui-même. Quant aux enfants, 152 millions d’enfants seraient contraints de travailler et parmi eux 72 millions dans des conditions dangereuses (violence, chantage, etc.).
Aux violations des droits de l’homme s’ajoutent celles du droit de l’environnement et des règles de bonne gouvernance. Celles-ci apparaissent souvent dès le début de la chaîne de production : de l’extraction des matières premières jusqu’à la fabrication. Peu d’entreprises sont d’ailleurs capables de déclarer la source exacte de leurs matériaux ou l’utilisation des moyens humains et environnementaux de fabrication. C’est le cas de la « fast fashion » où récemment un scandale impliquant plusieurs marques du secteur a exacerbé, chez les consommateurs et citoyens européens, la défiance et le rejet d’un système qui permet aux plus puissants de bénéficier de profits issus de violences faites aux hommes, d’accaparement des ressources naturelles au détriment des populations locales ou encore de surexploitation de l’environnement.
1.2. Les ambitions de la recommandation et de son annexe
C’est bien le rejet par un nombre croissant de consommateurs et de citoyens européens d’un système permettant de bénéficier de profits issus des violences précitées que les députés européens porteurs d’une recommandation sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises ont réussi à faire entendre au Parlement européen.