Pour la première fois, la Cour de cassation vient de se prononcer sur l’épineuse question de l’articulation des règles de droit commun sur le déséquilibre significatif (art. 1171 C. civ.), issues de la réforme du droit des contrats de 2016, avec les dispositions spéciales préexistantes des articles L. 442-1, I 2° C. com. et L. 212-1 C. cons. De la même manière, elle précise l’appréciation et la sanction du déséquilibre significatif du Code civil. Cet important arrêt est intervenu à l’occasion d’un litige relatif à la mise en œuvre de la clause résolutoire d’un contrat de location financière conclu pour les besoins d’une activité professionnelle (Cass. com., 26 janvier 2022, n° 20-16.782).
1. L’articulation droit commun/droits spéciaux : une application exclusive
A la suite d’échéances de loyer impayées, le loueur se prévaut de la clause de résolution de plein droit figurant dans ses CGV, ce que le locataire conteste en invoquant un déséquilibre significatif créé par cette clause.
La cour d’appel retient le déséquilibre significatif sur le fondement de l’article 1171 du Code civil qui répute non écrite « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Elle juge, en conséquence, que le contrat de location n’est pas résilié mais se poursuit et condamne le locataire au paiement des échéances impayées, majorées des intérêts au taux légal.
Le loueur se pourvoit alors en cassation estimant que l’article 1171 n’a vocation à s’appliquer que dans les matières où la prohibition des clauses génératrices d’un déséquilibre significatif n’est pas régie par des textes spéciaux (en l’occurrence, l’article L. 442-1, I 2° C. com., ancien art. L. 442-6, I 2°, relatif aux contrats conclus entre commerçants).
La Cour de cassation valide l’application de l’article 1171 en énonçant que ce texte « s’applique aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu’ils ne relèvent pas de l’article L. 442-6, I, 2° C. com. » (solution transposable sous l’empire du nouvel article L. 442-1, I 2° qui vise toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services).