En posant pour principe l’imposition du bénéficiaire d’un apport en nature à valeur minorée, le Conseil d’Etat invite à s’interroger sur le traitement de ce type d’opération dans les groupes intégrés.
Par Nicolas Riou, avocat counsel, et Sandy Boverie, avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats
A l’occasion d’une opération de cession, lorsque le prix d’acquisition d’un bien a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité consentie par le vendeur à l’acquéreur, l’administration fiscale est en droit, sur le fondement des articles 38, 2 du CGI et 38 quinquies de l’annexe III à ce code, de corriger la valeur d’origine de ce bien pour y substituer sa valeur vénale, et d’imposer l’entreprise acquéreuse à concurrence de l’augmentation d’actif net ainsi constatée.
Ce principe a été retenu par le Conseil d’Etat dans une décision «Raffypack» du 5 janvier 20051, dans l’hypothèse où les parties à l’opération de cession appartenaient au même groupe familial. Le Conseil d’Etat avait alors jugé qu’il existait une communauté d’intérêt entre les parties, justifiant que l’écart entre la valeur vénale et la valeur d’acquisition soit regardé comme une libéralité volontairement consentie à la société acquéreuse.
Dans une décision de plénière fiscale du 9 mai 20182, le Conseil d’Etat étend les principes issus de la jurisprudence «Raffypack» aux opérations d’apport à une valeur minorée (1). Cet arrêt présente des enjeux importants notamment pour les groupes intégrés réalisant ce type d’opération (2).
1. Les apports à une valeur minorée peuvent être rectifiés lorsque l’intention libérale des parties est démontrée par l’administration fiscale
Dans l’affaire jugée le 9 mai 2018, l’administration fiscale avait remis en cause la valeur d’apport des titres d’une société qui avait été réalisé au profit d’une autre société, dans le cadre d’une restructuration globale visant à assurer une transmission d’entreprise...