La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, le 28 janvier dernier, une décision de toute première importance, tant d’un point de vue technique que par ses implications pratiques considérables (aff. C-375/13).
Par Arnaud Reygrobellet, professeur à l’Université Paris X, of counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
Le débat a porté sur la question de savoir devant quelle juridiction un investisseur déçu, qui reprochait à la banque émettrice de titres financiers complexes un certain nombre de manquements, pouvait agir. Il s’agissait en l’occurrence d’un ressortissant autrichien qui avait acquis par l’intermédiaire d’une banque autrichienne des titres financiers complexes, des «certificats», émis par une banque anglaise. La particularité de cet investissement résidait en ceci que les titres en question avaient été acquis par la société mère allemande de la banque autrichienne auprès de la banque émettrice anglaise. Seconde particularité importante, la banque autrichienne avait exécuté l’ordre d’achat «en dépôt» ; par quoi il faut comprendre que ces certificats étaient conservés par la banque autrichienne en son nom propre et pour le compte de ses clients, de telle sorte que l’investisseur final pouvait uniquement réclamer la livraison des certificats à hauteur de la part détenue dans le fonds de couverture, sans que ceux-ci ne puissent être transférés à son nom.
Les certificats ayant perdu toute valeur, l’investisseur a cherché à mettre en cause la responsabilité de la banque émettrice en saisissant le tribunal le plus proche de son domicile. Pour établir cette compétence, dérogeant à la règle de principe (compétence du domicile du défendeur, ici localisé au Royaume-Uni), trois règles pouvaient être invoquées sur la base du règlement européen n° 44/2001 du 22 déc. 2000, dit Bruxelles I (texte remanié par un règl. n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, entré en vigueur le 10 janvier 2015, mais les solutions ici énoncées demeureront pertinentes).