Très fréquente, la fraude au président est une escroquerie sophistiquée fondée sur la mise en condition du personnel de l’entreprise victime. Classiquement, le fraudeur se présente comme le dirigeant et sollicite le comptable de la société afin qu’il transmette un ordre de virement à la banque en vue de la réalisation d’une opération soi-disant «secrète».
Par Anne-Sophie Pia, avocate associée, et Davinia Grigorieff, avocate, Awkis Société d’Avocats
En 2014, le ministère de l’Intérieur a estimé à plus de 300 millions d’euros les pertes financières liées à ce type de fraude. Outre-Atlantique, la police fédérale américaine estime à 2,3 milliards de dollars de pertes pour les entreprises entre octobre 2013 et février 2016.
A la survenance d’une telle fraude, les sociétés abusées tendent naturellement à se retourner vers leur banque puisque cette dernière, même en cas de faux ordre de virement, est responsable de plein droit (Com. 23 avr. 2013, n° 12-18.119). Elle doit donc recréditer le compte de son client (articles L. 133-18 du Code monétaire et financier et 1937 du Code civil).
Toutefois, le banquier peut établir que le faux n’a été rendu possible qu’à la suite d’une faute du titulaire du compte ou de son préposé (Com. 4 nov. 2014, n° 13-23.659) et dans ce cas limiter sa responsabilité. Dans cette situation, le banquier ne peut voir sa responsabilité engagée que s’il a lui-même commis une négligence.
Les clés de répartition pour l’indemnisation reposent donc sur la question cruciale de savoir qui de la banque (1) ou de l’entreprise (2) a été la moins diligente dans la détection de la fraude.
1. Appréciation des négligences de la société titulaire du compte
Les tribunaux et cours d’appel examinent au cas par cas les fautes éventuellement commises par le titulaire du compte. Les juridictions sont particulièrement sensibles au degré de crédulité de la victime (1.1) et au délai de réaction de l’entreprise (1.2).
1.1. La détection des indices de fraude
Il a été jugé qu’une comptable avait été d’une «imprudence et naïveté coupable» en ne relevant pas qu’une adresse électronique était trompeuse et que les e-mails reçus avaient une orthographe, une grammaire et une syntaxe approximatives (CA Paris, 12 janv. 2018, n° 16/11045).
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