Un an après la question prioritaire de constitutionnalité qui avait déjà donné lieu à une décision remarquable du Conseil constitutionnel, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient de réaffirmer avec force sa jurisprudence en matière de franchissement de seuil : seule la régularisation par l’actionnaire défaillant peut entraîner la privation «automatique» de droits de vote.
Frank Martin Laprade, avocat, Jeantet Associés, professeur associé à l’Université de Paris-Sud (11)
C’est une petite révolution qui est intervenue au cours des 12 derniers mois dans le domaine feutré des franchissements de seuils[1], sans que le grand public n’en ait entendu parler, car on est bien loin des grandes affaires médiatiques qui ont défrayé la chronique en 2012, à propos de ces actionnaires espagnols accusés de ne pas avoir déclaré des franchissements de seuils effectués de concert, ce qui les exposait à subir une privation de droits de vote de la part de la société cotée concernée (par l’intermédiaire du bureau de l’assemblée générale de ses actionnaires).
Dans l’un des cas (Gecina) l’Autorité des marchés financiers (approuvé par la cour d’appel de paris et la cour de cassation) avait confirmé l’existence d’une action de concert réunissant deux des membres du bureau, si bien que ces derniers avaient été obligés (judiciairement) de s’appliquer à eux-mêmes la sanction (suspension des droits de vote excédant la fraction franchie) prévue par l’article L 233-14 du Code de commerce[2].
Dans l’autre (Eiffage), la cour de cassation avait posé le principe selon lequel le bureau d’une assemblée générale (qui n’est qu’un organe social « temporaire » composé de deux scrutateurs choisis parmi les principaux actionnaires, sous la présidence du PDG) ne dispose pas de la compétence pour trancher une contestation relative à l’existence d’une action de concert et ne peut donc pas en tirer les conséquences en termes de privation de droits de vote[3].
Or, il se trouve que dans les...