« Je plie, et ne romps pas. » Tel le roseau de la fable(1), le régime français de report d’imposition applicable aux apports de titres en société résiste aux critiques répétées depuis son instauration par la loi de finances rectificative pour 1988. Par un arrêt Galbert Defforey et autres c. France rendu le 22 mai 2025(2), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est venue consolider la mécanique particulière de ce dispositif de différé d’imposition.
En l’espèce, la CEDH a considéré que l’exclusion des plus-values sur titres placées en report avant le 1er janvier 2013 du bénéfice de l’abattement pour durée de détention applicable à compter de cette date, dans l’hypothèse d’opérations purement internes ou extracommunautaires, ne méconnaît pas les stipulations de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH). En effet, la CEDH juge que la France n’a pas excédé la marge d’appréciation reconnue aux Etats pour organiser leur système fiscal : la différence de traitement est, selon elle, objectivement et raisonnablement justifiée par la nécessité de se conformer aux exigences du droit de l’Union européenne.
En avalisant cette « discrimination à rebours » vis-à-vis de situations intracommunautaires, la CEDH freine la dynamique d’harmonisation fiscale européenne et par la même occasion la force structurante du droit de l’Union. Ce faisant, elle renforce l’autonomie dont disposent les Etats membres dans l’élaboration de leurs règles fiscales, y compris lorsque leur application conduit à une inégalité entre les situations nationale et européenne.
1. Rappel du contexte
Trois contribuables français soutenaient que les opérations d’apport purement internes qu’ils ont réalisées avant le 1er janvier 2013 auraient bénéficié d’un traitement fiscal plus favorable lors de l’expiration du report d’imposition – intervenu postérieurement à cette date – si elles s’étaient inscrites dans le cadre...