La publication, par l’administration fiscale, de schémas d’optimisation considérés comme contestables conduit à s’interroger sur la portée de telles dispositions. Elle est loin d’être évidente.
Par Eric Ginter, avocat associé et Eric Chartier, avocat counsel, Hoche société d’avocats
Comme on le sait, l’impôt est fondé sur le principe de légalité : il ne peut y avoir en effet d’imposition qui ne soit prévue par la loi.
Mais si, parfois, la loi «bavarde», elle ne peut tout dire et doit donc être complétée, notamment pour son application pratique, par des mesures réglementaires (décrets ou arrêtés).
Cette articulation ne suffit toutefois pas à régler toutes les questions qui peuvent se poser. Cette situation justifie l’intervention d’instructions administratives qui, en principe, ne peuvent que se borner à commenter et à préciser la portée de dispositions législatives, sans y ajouter.
Dans le domaine fiscal, l’article L. 80A du Livre des procédures fiscales prévoit toutefois que la doctrine ainsi publiée est opposable à l’administration par les contribuables concernés, même dans l’hypothèse où elle dérogerait à la loi. On s’est longtemps interrogé sur cette apparente contradiction pour en venir à l’idée que cette garantie était fondée sur le principe de sécurité juridique et d’intelligibilité du droit dont le Conseil constitutionnel a, en plusieurs occasions, rappelé l’importance.
Dès lors, le Conseil d’Etat, après avoir longtemps hésité, a fini par admettre que les contribuables puissent contester devant lui les instructions administratives qui comportent une interprétation formelle de la loi fiscale et que celles-ci puissent être annulées lorsqu’elles sont contraires à la loi ou à une norme supérieure, constitutionnelle, internationale ou communautaire.
De même le Conseil d’Etat a-t-il admis que l’on puisse contester devant lui une réponse ministérielle lorsque celle-ci comporte une interprétation de la loi fiscale susceptible d’être opposée à l’administration sur le fondement de l’article L. 80A.
Ainsi, s’il est possible à l’administration de développer sa doctrine, cette «soft law» est en principe soumise au contrôle du juge.
Il n’en va pas ainsi de tous les textes émanant de l’administration fiscale : ainsi le «Précis de fiscalité» édité par ses soins ne peut-il pas faire l’objet de contestations, au motif qu’il ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale.