Parmi les 15 actions du projet BEPS, quatre recommandent la modification des conventions fiscales1 signées par les Etats en vue d’éliminer les doubles impositions. L’action 15 instaure quant à elle un instrument multilatéral («MLI»), signé par 70 Etats, visant à modifier simultanément les conventions bilatérales de manière à rendre contraignantes les recommandations BEPS. Toutefois, si le MLI permet de faire évoluer globalement le contenu des conventions, il se limite au plus petit dénominateur commun : lorsque la position de deux Etats n’est pas alignée, c’est une version amendée de nombreuses réserves, et donc moins contraignante, qui est retenue.
Par François Lugand, avocat associé, et Pierre Bonamy, avocat, Arsene
Les renégociations bilatérales sont donc nécessaires pour procéder à des refontes substantielles des conventions existantes et adresser des sujets spécifiques aux deux pays concernés.
Le premier exemple de renégociation post-MLI n’était pas le plus attendu : il s’agit de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg ! Les deux Etats ont annoncé au moyen d’une opération de communication bien orchestrée la signature, le 21 mars dernier, d’un nouveau traité fiscal.
Il faut reconnaître que la convention actuelle était une des plus anciennes, datant de 1958, et qu’elle avait résisté jusque-là à toute révision en profondeur. De ce fait, en dépit de quatre avenants (focalisés sur l’immobilier, dont le dernier remonte à 2015), elle présentait de nombreuses lacunes au regard des traités les plus récents et il devenait difficile au Luxembourg de résister aux appels à la révision provenant de Paris.
Quelle est la portée de ce nouveau traité ? Tout d’abord, il convient de noter qu’il constitue une nouvelle convention fiscale et non un simple jeu d’avenants. De ce fait, toutes les clauses de l’ancienne convention fiscale sont donc annulées.
Ce qui frappe le lecteur de ce nouveau traité, c’est l’insertion systématique de clauses qui restreignent les avantages conventionnels. Ainsi, le nouveau traité réserve la notion de résident aux seules personnes assujetties à l’impôt dans un des deux Etats, position habituelle qui aura pour conséquence d’exclure du bénéfice des avantages conventionnels des entités exonérées. Plus disruptif, il reprend l’arsenal des dispositifs anti-abus préconisé par le MLI :
– le préambule de la nouvelle convention est ainsi une déclaration explicite indiquant que l’intention des Etats est d’éliminer la double imposition, sans créer de possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite ;