C’est cette question que la Cour de cassation a abordée dans un arrêt rendu le 22 juin 2022 (n° 21-14.230).
La société Esnault, fournisseur spécialisé dans la vente de fruits et légumes, a subi la rupture de relations commerciales établies avec plusieurs distributeurs appartenant au groupe (à l’époque) Franprix-Leader Price, avant d’être placée en liquidation judiciaire.
La société puis son liquidateur judiciaire ont considéré cette rupture comme brutale, et engagé une action sur le fondement de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce (à présent art. L. 442-1 II).
Les demandeurs ont considéré que les relations commerciales établies avec les différentes sociétés partenaires étaient constitutives d’une unique relation qui devait être appréciée dans sa globalité. De ce fait, c’est la responsabilité de la société Leader Price Exploitation (LPE), qui a conclu des contrats de franchise, de licence et de concession avec différentes sociétés du groupe, qui a été recherchée en sa qualité de tête de réseau.
La cour d’appel de Paris a débouté la société Esnault et son liquidateur judiciaire de leur demande en condamnation de la société LPE à payer les sommes de 1 570 307 euros en réparation du préjudice subi, et de 364 803 euros en paiement du coût des licenciements supportés. Ces derniers ont formé un pourvoi.
La Cour de cassation a donc eu à se prononcer sur la question de l’imputabilité à une seule société de la rupture brutale d’une relation mise en œuvre par plusieurs autres sociétés indépendantes. Cette problématique, qui s’articule autour des principes (i) de l’autonomie des personnes morales, (ii) de responsabilité que doit assumer toute société partie à une relation qu’elle rompt et (iii) de l’absence de personnalité juridique du groupe de sociétés, n’est pas nouvelle mais la façon de l’appréhender par la haute cour semble se préciser.