Ce premier trimestre 2022 a permis à la Cour de cassation de poser ou de rappeler les principes essentiels dans un domaine souvent mal appréhendé par les entreprises : les salariés protégés.
1. Un élu suppléant peut-il être désigné délégué syndical dans une entreprise de moins de 50 salariés ?
Un syndicat a désigné une élue suppléante comme déléguée syndicale, dans une entreprise de moins de 50 salariés. L’entreprise a contesté la désignation.
Pour rappel, un élu suppléant peut être désigné délégué syndical dans une entreprise de moins de 50 salariés à la condition de bénéficier d’un crédit d’heures.
La loi (article L. 2143-6 du Code du travail) permet à un syndicat représentatif dans un établissement de moins de 50 salariés de « désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical », sans faire de distinction entre les élus titulaires et les suppléants.
Elle précise toutefois que ce mandat n’ouvre pas droit à un crédit d’heures et que « le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel (…) pour l’exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l’exercice de ses fonctions de délégué syndical ». Il doit donc disposer d’un « temps » c’est-à-dire d’un crédit d’heures.
C’est ce qu’avait jugé la Cour de cassation en application des textes antérieurs : seul un délégué du personnel titulaire pouvait être désigné délégué syndical.
La Cour de cassation transpose son ancienne solution, reprenant l’idée irriguant sa jurisprudence antérieure, en admettant qu’un élu suppléant soit désigné délégué syndical uniquement s’il dispose d’un crédit d’heures.
Un suppléant peut bénéficier d’un crédit d’heures à plusieurs titres :
– il remplace temporairement un élu titulaire (article L. 2314-37 du Code du travail) ;
– en application des clauses du protocole préélectoral (article L. 2314-7) ;
– en vertu d’un accord collectif ou d’un usage comportant des dispositions plus favorables relatives au fonctionnement du CSE (article L. 2315-2) ;
– en cas de mutualisation des heures de délégation, les élus titulaires pouvant mutualiser chaque mois leurs heures de délégation avec les élus suppléants (articles L. 2315-9 et R. 2315-6).
Dans les deux affaires (Cass. Soc. 23 mars 2022 n° 20-16.333 FS-B et 20-21.269 FS-B), les élus suppléants ne se trouvant pas dans l’une de ces situations, ils ne pouvaient être désignés délégués syndicaux.
2. Un syndicat peut-il invoquer la nullité d’un accord collectif alors qu’il ne l’a pas contesté dans le délai de deux mois ?
Un accord collectif signé par quatre organisations syndicales représentatives a déterminé les établissements distincts pour les élections au CSE.
Un avenant, signé seulement par deux organisations syndicales représentatives, a imposé un périmètre de désignation des délégués syndicaux identique à celui des élections au CSE.
Une des organisations syndicales non signataire de l’avenant a désigné un délégué syndical dans un périmètre plus restreint que celui retenu pour les CSE.
La société a contesté la désignation en justice. Le syndicat a invoqué la nullité de l’accord, par voie d’exception.
Pour information, l’avenant signé en 2019 était contraire à la loi, le législateur de 2014 ayant mis fin à l’identité de périmètre pour la constitution des CE et la désignation des délégués syndicaux imposée par la réforme de 2008, une solution entérinée par la Cour de cassation en 2016 (Cass. soc., 31 mai 2016, n° 15-21.175 FS-PB).
Le périmètre de désignation des délégués syndicaux étant d’ordre public, un accord ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement tel qu’il est défini par la loi (article L. 2143-3 du Code du travail).