Le projet de loi, appelé projet «Sukuk», a été approuvé par la Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg le 9 juillet 2014. Dès lors, tous les feux semblent au vert pour permettre au Luxembourg d’émettre dans les mois qui viennent les premiers sukuk souverains libellés en euros. En France, un cadre juridique et fiscal dédié à la finance islamique a vu le jour depuis 2008. Si la volonté française de donner un support juridique aux sukuk a permis de définir tant la nature d’un sak que son traitement fiscal, la structuration de sukuk s’est en revanche heurtée à la question du «droit de propriété» du bénéficiaire d’une fiducie française, laissant ouverte la question de la nécessité d’appliquer la notion de propriété, au sens du Code civil, au droit des porteurs de sukuk pour répondre aux exigences chariatiques.
Par Valentine Baudouin, avocat collaborateur, Kramer Levin LLP, Quentin Rutsaert, avocat associé, Rutsaert Legal (Luxembourg) et Tarik Bengarai Abou Nour, expert en finance islamique et membre du Chari’a Board CIFIE (Comité indépendant de finance islamique en Europe).
Le sak, singulier de sukuk, signifie «titre donnant droit à». Le sak confère ainsi un droit de propriété (co-propriété), directement ou indirectement via un mandat (wakala), sur les actifs d’un émetteur (actif tangible ou usufruit d’un actif tangible tels que des biens, des services, un projet déterminé ou une activité d’investissement privée). Son porteur reçoit une partie du profit attaché au rendement de l’actif sous-jacent. En pratique, un véhicule (SPV) détiendra un actif tangible (un immeuble par exemple) ou un projet et émettra des sukuk. La rémunération versée aux porteurs de sukuk devra être directement liée à la performance de l’actif ou de l’activité sous-jacente(1) et être proportionnelle à la participation de chacun de ces porteurs. La valeur des sukuk devra également fluctuer directement en fonction des variations de valeur de l’actif ou du projet sous-jacent. Ainsi, à la différence des détenteurs d’obligations classiques, le porteur de sukuk subit à la fois les hausses et les baisses de valeur de l’actif, les profits éventuels mais aussi les risques de destruction ou de disparition.
Enfin, la cession de la part de l’actif sous-jacent par le (les) détenteur(s) des sukuk à l’échéance doit être faite...