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Centres commerciaux: "on assiste à une modification des tendances" (Jeantet)

Publié le 26 février 2024 à 11h03

  AOF

(AOF) - Aucun nouveau centre commercial n’a été créé en France en 2023 selon le cabinet Knight Frank, et les créations de grandes surfaces, hors centres commerciaux, chutent également depuis plusieurs années, passant de 460.000 m2 livrés en 2016 à moins de 170.000 m2 en 2023. Dans un entretien accordé à AOF, Me Catherine Saint Geniest, associée en charge de l’immobilier chez Jeantet, et Me Adrien Fourmon, associé en charge du droit de l’environnement, livrent le contexte de cette baisse d’activité.

Me Catherine Saint Geniest, vous êtes associée en charge de l'immobilier chez Jeantet. L'immobilier commercial a-t-il bien récupéré après la crise sanitaire ?

Me Catherine SaintGeniest : On assiste à une modification des tendances du commerce, une réduction des surfaces de vente, les bailleurs de zones commerciales rencontrent des difficultés à faire revenir leurs clients notamment depuis la crise sanitaire. Pour ce faire on compte notamment sur les activités de loisirs, de fitness, d'escape game, mais aussi sur la santé, avec le paramédical et les centres dentaires, car cela assure de la fréquentation aux autres espaces.

Grâce aux opérateurs comme Basic Fit, des espaces difficiles, sans vitrine ou en sous-sol, qu'on réservait jusque-là à des activités comme l'électroménager, trouvent à s'employer sur une plage horaire qui est vaste notamment le week-end. Les "dark stores" sont un élément assez anecdotique, tout comme les commerces en circuit court, contrairement à la restauration et à l'alimentaire qui occupent toujours une grande place.

Nous avons aussi dans les centres villes une redistribution des cartes assez importante, avec un recul des moyennes surfaces, ou du prêt-à-porter. Des artères entières se paupérisent, comme la rue de Rennes, tandis que le Marais apparaît très vivant, et que les espaces " flagship " comme ceux de l'avenue Montaigne restent très demandés.

Il y a des tendances de long terme dans ce secteur…

Me Catherine Saint Geniest : Il faut dire que le secteur du commerce ne réagit pas à la conjoncture aussi rapidement que celui des bureaux, qui s'écroule très vite mais remonte également assez vite. Des modes de fonctionnement sont durablement affectés, et devront se concevoir dans un sens plus large. La vente mélangera le click-and collect, le showroom, et les activités de services qui attirent les consommateurs sur place.

Les contraintes juridiques sont importantes aussi avec un bail commercial en France qui reste assez lourd, une durée minimale d'engagement de neuf ans. Il y a la possibilité de sortir tous les 3 ans, mais les bailleurs demandent des engagements fermes d'au moins 6 ans pour accorder des mesures d'accompagnement. Il n'y a aucune autre possibilité en cas de prorogation que de rentrer dans un bail de neuf ans.

Me Adrien Fourmon, vous êtes associé en charge du droit de l'environnement chez Jeantet. Quel est l'impact de l'impératif de la "zéro artificialisation" sur le secteur de l'immobilier commercial?

Me Adrien Fourmon: On veut réduire l'artificialisation d'ici à 2030, mais à l'horizon 2050 l'objectif sera de zéro artificialisation nette ce qui signifie qu'on devra "renaturer" un certain nombre de sites, donc faire marche arrière. Lorsque vous aurez un projet correspondant à une extension ou à un nouveau site, il faudra obtenir des dérogations. On a le principe d'interdiction absolue pour les surfaces de plus de 10 000 m2, mais des dérogations seront possibles pour les surfaces plus réduites.

Est-ce une cause majeure de l'absence de création nette de centres commerciaux en 2023 en France ?

Me Adrien Fourmon : Ce n'est pas la cause essentielle. Il y a un délai d'adaptation car la délivrance des autorisations pour ces projets peut prendre du temps. On a vu cependant des refus d'autorisation comme celui du centre commercial "Porte des Pyrénées" près de Toulouse, annulé dans un premier temps en 2018, ou celui d'EuropaCity dans le Val d'Oise abandonné en 2019, car ils étaient considérés comme démesurés en termes de surfaces consommées.

Quelle sera la solution pour les porteurs de projets ?

Me Adrien Fourmon: Il y aura un recours accru à des solutions permettant de verdir l'empreinte de ces centres commerciaux, notamment un recours accru aux énergies renouvelables. Il faudra également mieux éco-concevoir les projets pour éviter une obsolescence accélérée.

Propos recueillis par Matthieu Richard-Molard

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12/06/2024

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