Un récent arrêt du Conseil d’Etat (10 avril 2015, n° 367015) donne l’occasion de rappeler que les personnes physiques patrimoniales qui vendent des parts de sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent parfois bénéficier des exonérations applicables aux ventes d’immeubles.
Par François Lacroix, avocat associé, spécialiste en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité immobilière, des services publics, des entreprises et des personnes morales publiques ou privées non lucratives. francois.lacroix@cms-bfl.com
Il en est ainsi notamment lorsque leur société immobilière abrite leur résidence principale et qu’ils l’occupent gratuitement.
La situation jugée le 10 avril est celle, plutôt rare, d’associés d’une société totalement «transparente» fiscalement : en effet, les parts cédées leur donnaient statutairement droit à l’attribution de l’immeuble social, lequel constituait par ailleurs leur résidence principale, et ce, dans des conditions rendant les associés «propriétaires» fiscaux de cet immeuble. Dans d’autres situations, les plus fréquentes, les personnes physiques sont associées de SCI ordinaires non soumises à l’impôt sur les sociétés, mais dont l’objet conduit à leur permettre d’occuper, gratuitement, le logement, notamment à titre de résidence principale.
Dans ces différentes situations, les associés vendeurs de parts doivent prouver qu’ils remplissent les conditions leur permettant d’être exonérés comme si la vente avait juridiquement porté sur l’immeuble ayant constitué leur résidence principale.
Or, le soin apporté par l’arrêt du 10 avril 2015 à énumérer, pour les valider, les pièces justifiant que l’immeuble social était occupé gratuitement et qu’il constituait la résidence principale des vendeurs, témoigne, en creux, des difficultés éprouvées par le contribuable à produire, 15 ans après la vente des parts, des factures et des attestations justifiant de sa résidence, et des pièces comptables prouvant que ses versements qualifiaient bien des avances d’associé en compte-courant, et non des loyers.
De même, une autre exonération (Code général des impôts, article 150 U II, 2°), que pourrait invoquer un contribuable non-résident fiscal vendant un logement possédé en France, l’obligerait à démontrer qu’il a «été fiscalement domicilié en France de façon continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque avant la vente» : dès lors, de telles preuves peuvent porter sur des périodes antérieures de plusieurs dizaines d’années à la vente…
Enfin, à la même époque l’an dernier, nous craignions (La lettre de l’immobilier de Septembre 2014, page 10) que la SCI du Forum ne puisse prouver que 15 ans auparavant, en 2000, elle avait abandonné toute intention de revendre un immeuble social acquis en 1996 et encore détenu en 2015. De fait, le 25 janvier 2015, un arrêt définitif (cour administrative d’appel de Nancy, n° 14NC00830) a confirmé l’impuissance de ce contribuable à justifier, aussi longtemps après les faits, de son ancien changement d’intention.
En fiscalité, exonérer, c’est prévoir. C’est lorsqu’il constitue une société immobilière, ou qu’il en acquiert les parts, que l’associé se doit d’identifier les conditions d’exonération d’une revente future, d’opérer les choix juridiques, financiers et comptables conformes à cette exonération et de se ménager toutes justifications nécessaires, en fonction des conditions requises. Et bien sûr, il devra en surveiller les éventuelles modifications législatives ultérieures.
Pour ce faire, l’associé pourra bénéficier des acquis des deux jurisprudences que nous avons citées : l’arrêt SCI du Forum, en ce qu’il autorise la production de toute preuve originelle, même non issue de documents sociaux, et la décision du 10 avril 2015, laquelle oblige l’Administration et le juge fiscal, à motiver, document par document, leur éventuel refus ultérieur d’admettre leur caractère probatoire.n