L’application de la loi Alur aux sociétés civiles immobilières (SCI) et leur caractère intuitu personae sont de nature à poser des difficultés pratiques, qu’il convient d’anticiper, lors de la réalisation du nantissement de parts sociales.
Par Christophe Lefaillet, avocat associé en fiscalité (droits d’enregistrement et ISF) et en droit des sociétés. Il intervient particulièrement dans les opérations de fusions-acquisitions du secteur immobilier. christophe.lefaillet@cms-bfl.com
et Magali Béraud, avocat en financements structurés et titrisation. Elle intervient sur des opérations tant domestiques qu’internationales portant sur tout type d’actifs. magali.beraud@cms-bfl.com
En garantie du financement d’une acquisition ou d’une opération immobilière, les parts sociales de la SCI qui détient l’actif immobilier sont régulièrement nanties. Toutefois, la réalisation d’un tel nantissement soulève des difficultés pratiques puisque, quel que soit le mode de réalisation du nantissement choisi, cette réalisation emporte transfert desdites parts. Ces difficultés résultent notamment de l’intuitu personae caractérisant les SCI et imposant l’agrément, en cas de transfert de parts, dans les conditions prévues par la loi et les statuts.
La réalisation du nantissement peut s’opérer par vente forcée (C. civ. art. 2346), attribution judiciaire (C. civ. art. 2347) ou attribution automatique au créancier (C. civ. art. 2348).
Afin de faciliter la vente forcée des parts sociales, le bénéficiaire peut être agréé par les associés de la SCI dès la mise en place du nantissement (C. civ. art. 1867 al. 1). Ce consentement emporte agrément du bénéficiaire en cas de réalisation forcée des parts sociales, sous réserve de la notification à la SCI et aux associés de cette réalisation au moins un mois avant la vente. Les associés conservent néanmoins un droit de repentir et pourront se substituer à l’acquéreur dans un délai de cinq jours suivant la vente ; à défaut, la SCI pourra racheter ses propres parts en vue de procéder à une réduction de capital (C. civ. art. 1867 al. 3), mais cette possibilité sera difficilement mise en œuvre dans un contexte d’exigibilité anticipée d’un financement et de réalisation des sûretés.
L’attribution judiciaire permet au bénéficiaire du nantissement de demander au Tribunal de lui transférer la propriété des parts sociales. L’attribution automatique des parts sociales nanties peut également être prévue dans l’acte de nantissement par un pacte commissoire. Dans ces deux cas, la valeur de réalisation des parts sociales est déterminée par un expert.
L’attribution des parts sociales d’une SCI, qu’elle soit judiciaire ou automatique, peut être contraignante pour le bénéficiaire car elle implique qu’il devienne associé de la SCI ce qui l’expose à la responsabilité indéfinie des dettes de la SCI (C. civ. art. 1857). Lorsque la valeur des parts sociales ainsi attribuées excède celle des obligations garanties par le nantissement, la différence devra être reversée au constituant ou mise sous séquestre au bénéfice d’autres créanciers.
L’application des règles relatives au pacte commissoire peut sembler heurter les règles spécifiques aux SCI. En effet, le délai de notification d’un mois, le droit de repentir des associés et le droit de la SCI de racheter ses parts sont difficilement conciliables avec le caractère automatique de l’attribution en pleine propriété que peut prévoir le pacte commissoire. En dépit de la lettre de l’article 1867 du Code civil, qui vise uniquement l’hypothèse de la «vente», il nous semble que ces règles spécifiques demeurent applicables à la réalisation par voie de pacte commissoire, bien qu’à notre connaissance aucune décision n’ait été prise sur cette articulation. En pratique, cette difficulté nous semble pouvoir être évitée par une renonciation expresse des associés au bénéfice de l’article 1867 du Code civil.
Enfin, la réalisation du nantissement pourrait imposer au bénéficiaire de faire une déclaration d’intention d’aliéner préalable lorsque le transfert des parts sociales entre dans le champ du droit de préemption urbain (voir «Droit de préemption urbain et cessions de parts de SCI», la Lettre de l’Immobilier, 21 septembre 2015, p. 9).