Al’heure où le gouvernement français a initié la transition vers un système de prélèvement à la source de l’impôt sur les revenus contemporains, on peut s’interroger sur la réelle incidence de la réforme sur la fiscalité des revenus du patrimoine.
Par Georges Morisson-Couderc, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Nathalie Delmarès, avocat, PwC Société d’Avocats
Relevons tout d’abord que cette réforme, qui touche au mode de recouvrement de l’impôt, ne modifie pas les règles d’imposition des revenus et le dépôt d’une déclaration annuelle reste obligatoire. Une régularisation interviendra à raison du montant d’impôt réellement dû sur la base de la déclaration annuelle et compte tenu du montant d’impôt déjà prélevé.
En particulier, le système de prélèvement à la source ne concerne pas l’ensemble des revenus. En sont notamment exclus les plus-values immobilières et les revenus de capitaux mobiliers en raison des impositions dont ils font déjà l’objet l’année de leur réalisation.
Rappelons en effet que les plus-values immobilières sont soumises à un prélèvement d’impôt sur le revenu au taux de 19 % (34,5 % avec les prélèvements sociaux inclus), et le cas échéant, à la taxe sur les plus-values excédant 50 000 euros, lors de leur déclaration par le cédant, dans le mois de la cession. Les dividendes et les intérêts font quant à eux l’objet d’un prélèvement obligatoire non libératoire d’impôt sur le revenu depuis 2013, respectivement de 21 % et 24 % (36,5 % et 39,5 % avec les prélèvements sociaux inclus), exigible au plus tard le 15 du mois suivant leur perception. Les plus-values de cession de valeurs mobilières n’y figurent pas non plus compte tenu de la règle de compensation annuelle des gains et des pertes. Seuls, à côté des revenus professionnels, les revenus fonciers semblent donc, en pratique, concernés par la réforme.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2018, le prélèvement à la source s’applique aux revenus salariaux et aux pensions sous la forme d’une retenue à la source opérée par l’employeur ou l’organisme versant, tandis que les travailleurs indépendants et les titulaires de revenus fonciers s’acquittent d’un acompte, liquidé par l’administration d’après les derniers éléments de taxation dont elle dispose et qu’elle prélève mensuellement ou, sur option des contribuables, trimestriellement sur leurs comptes bancaires.
En matière de revenus fonciers, l’assiette de l’acompte est constituée des derniers revenus taxés connus à la date de son versement, et déterminés soit dans les conditions de droit commun, par différence entre les loyers et les charges déductibles, soit selon le régime du micro-foncier, diminué des reports déficitaires.
Le prélèvement, qui inclut aussi les prélèvements sociaux afférents aux revenus du patrimoine au taux de 15,5 %, sera calculé en appliquant au montant de l’assiette un taux déterminé par l’administration, toujours sur la base des dernières données fiscales connues du foyer.
Le traitement des revenus de l’année 2018 est plus complexe. Rappelons que les contribuables devront payer l’impôt sur leurs revenus 2018 prélevé par voie de retenue à la source et l’impôt sur leurs revenus 2017 via le dépôt d’une déclaration des revenus en 2018.
Afin de limiter l’effet de cette double charge, il est prévu l’octroi d’un «Crédit d’impôt modernisation du recouvrement» (CIMR) égal au montant de l’impôt 2017 généré par les revenus «non exceptionnels» perçus au cours de cette année.
A cet égard, il est prévu des mesures particulières pour les revenus fonciers excédant la fraction des recettes afférentes à la seule année 2017 sur le total des recettes encaissées, qui n’ouvriront pas droit au crédit d’impôt.
Compte tenu de la lettre du texte, qui ne vise que les recettes, et afin d’éviter l’optimisation fiscale consistant à empêcher d’engager certaines dépenses en 2017 ou à différer le paiement de celles qui sont échues au cours de cette même année en raison de leur absence d’impact sur l’impôt dû, il a été prévu des dérogations par le législateur au principe de déductibilité des charges effectivement payées au titre de l’année concernée.
Les dépenses liées à des travaux déductibles qui relèvent de la seule décision du propriétaire feront l’objet d’une déduction intégrale pour la détermination du revenu foncier 2017 si elles sont payées en 2017, tandis que les travaux payés en 2018 feront en principe l’objet d’une déduction égale à la moyenne des dépenses de travaux déductibles payés en 2017 et en 2018. Par conséquent, en l’absence de travaux payés en 2017, les travaux déductibles payés en 2018 ne sont admis en déduction du revenu foncier de l’année qu’à hauteur de 50 % de leur montant.
Ainsi, l’année de transition pour les revenus fonciers devra être traitée avec le plus grand soin pour éviter tout désagrément avec l’administration fiscale. Ce n’est pas, loin s’en faut, le seul sujet d’attention au titre de cette année de transition. Par exemple, les réductions et crédits d’impôts devront être également examinés très attentivement.