Parole d’expert Muzinich & Co - Depuis sa création en 2014, la plateforme européenne de dette privée de Muzinich & Co a financé plus de 80 entreprises du marché des PME pour un montant global de l’ordre de 3 milliards d’euros. À l’occasion de ses dix ans d’existence, Rafael Torres, coresponsable de la dette privée paneuropéenne au sein de la société de gestion, revient sur l’approche suivie pour intervenir sur ce segment de marché.
Pour quelles raisons votre activité de dette privée cible-t-elle les PME ?
Il s’agit de l’écosystème qui fournit le plus d’opportunités d’investissement, non seulement en raison du grand nombre d’entreprises qui le composent mais aussi du fait que ce segment est aujourd’hui moins bien desservi par les banques, ce qui alimente les volumes d’affaires.
On observe par ailleurs que les PME affichent des niveaux d’endettement bien plus modérés que les sociétés de plus grosse taille. Pour la majeure partie de celles que nous finançons, le levier ou ratio d’endettement, qui était historiquement de l’ordre de 4 fois l’EBITDA, est actuellement compris entre 2,5 et 3,5 fois. Cet allègement de l’endettement s’explique par la nécessité de maintenir des niveaux de couverture des intérêts sains dans le contexte de hausse des taux qui a prévalu ces dernières années ; il démontre également notre prudence, car nous considérons que l’activité économique risque de fléchir à un moment ou à un autre. A titre de comparaison, le levier atteint plutôt 5 fois pour les sociétés plus grandes. Le couple rendement/risque offert par les entreprises de taille moyenne est donc relativement intéressant.
Comment est structurée votre plateforme d’investissement ?
Le fait d’avoir une présence locale est crucial pour être crédible et avoir une approche pertinente sur ce marché des PME. Il est en effet indispensable d’être proche des emprunteurs, de parler leur langue, de partager leur culture et d’avoir des réseaux locaux. C’est la raison pour laquelle les 35 collaborateurs de Muzinich & Co dédiés à l’investissement en dette privée en Europe sont répartis dans sept pays : la France, l’Espagne, l’Italie, la Suisse, l’Irlande, l’Allemagne et le Royaume-Uni, l’implantation dans ces deux derniers pays permettant également de couvrir d’un côté les Pays-Bas et le Benelux, de l’autre la Scandinavie.
Quelle est votre approche d’investissement ?
La diversification est le maître-mot. Elle se décline dans chaque fonds selon quatre axes : diversification en termes d’actifs, entre 30 et 40 ; diversification sectorielle, avec 15 à 20 secteurs représentés (santé, pharmacie, services, technologie, alimentation, etc.) ; diversification géographique, avec une exposition à 8 à 10 pays (la limite de concentration sur un pays donné étant fixée à 35 %) ; et enfin diversification en ce qui concerne le profil des propriétaires des entreprises que nous finançons – fonds, entrepreneurs, family offices – afin de mitiger les cycles d’activité (les volumes d’affaires liés aux cessions par les fonds étant plus fluctuants que les besoins en capital de croissance des entreprises).
Notre approche est plutôt conservatrice, ce qui nous incite à rester à l’écart de certains secteurs trop cycliques (notamment la consommation discrétionnaire), ainsi que de l’immobilier, de la finance et de l’industrie (parfois très dépendante de l’évolution des prix de l’énergie et des matières premières).
60 % des financements que nous réalisons portent de manière concomitante sur un rachat et sur du capital croissance, mais nous intervenons également pour financer l’une ou l’autre de ces opérations de manière indépendante.
Les critères ESG sont désormais pleinement intégrés dans nos processus d’investissement, nos fonds relevant de l’article 8 du règlement SFDR. Nous avons développé en interne un modèle de scoring permettant de réévaluer chaque année les sociétés dans lesquelles nous investissons. Nous proposons de façon systématique des mécanismes de réduction des marges pouvant être appliqués en fonction de l’évolution d’indicateurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance propres à chacune d’elles.
Quel type d’entreprises ciblez-vous ?
Au-delà de nos exigences concernant le niveau d’Ebitda – entre 5 et 25 millions d’euros –, nous recherchons des entreprises déjà établies, dont les bilans sont sains, et qui sont encore en phase de croissance et génèrent des cash-flows.
Nous sommes très sélectifs dans nos investissements, comme en témoigne notre taux de conversion des opportunités, qui se situe autour de 2 à 3% par an (soit entre 10 et 15 investissements chaque année, sur 500 dossiers étudiés).