Fort de son expérience et de sa capacité d’adaptation, le DAF de transition épaule les entreprises dans la mise en place d’outils et la structuration de la direction financière, offrant notamment aux ETI et PME les compétences dont elles sont dépourvues en interne. Des compétences d'autant plus précieuses que le contexte économique actuel est très incertain.
Loin d’être une niche, le marché du management de transition en France a quasiment doublé de taille en quatre ans. Il est ainsi passé de 440 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé en 2019 à 800 millions d’euros en 2023, selon une étude menée par Xerfi pour France Transition, la fédération des acteurs du métier. Les cabinets spécialisés sont nombreux à proposer les services de ces experts, à l’image de Valtus ou X-PM, aux côtés des sociétés de recrutement ayant développé une offre dans ce domaine, comme Robert Walters, mais aussi de cabinets d’audit comme BDO. Il faut dire que les profils financiers sont particulièrement sollicités : près de 20 % des missions sont confiées à un directeur administratif et financier (source France Transition), les directions générales, industrielles et des ressources humaines représentant chacune 15 % des demandes. « Deux conditions doivent être réunies pour justifier l’intervention d’un manager de transition : l’urgence, un manager de transition pouvant être mobilisé en quelques jours, et l’enjeu stratégique pour l’entreprise, explique Alexandra Cadic, directrice générale adjointe du cabinet de management de transition Delville Management. La fonction financière se prête bien à ce type de mission puisque c’est un poste critique pour l’entreprise, que ce soit pour des postes de DAF, évidemment, mais aussi pour des postes de directeur de trésorerie et de contrôleur de gestion. »
«En une semaine, le manager de transition doit être en mesure d’établir sa feuille de route.»
Une diversité de missions
Longtemps vu comme un « cost killer » devant remettre à flot une entreprise en difficulté, le manager de transition a pourtant un spectre d’intervention beaucoup plus large. Seules 11 % des missions sont en effet liées à une situation de crise. L’essentiel des demandes se concentre soit sur du management de relais, dans l’attente d’un recrutement ou du retour d’un DAF malade par exemple, soit sur de la conduite de projet, comme une mise en place d’un nouvel ERP. « Post-Covid, l’activité a été portée par le fort redémarrage de l’économie. Les entreprises ont fait appel à des DAF de transition dans l’attente d’un recrutement, indique Xavier Bézio, directeur général de Morgan Philips Management de Transition. Depuis deux ans, le contexte étant plus difficile, les entreprises doivent optimiser leurs coûts tout en préservant leurs capacités de développement. Les demandes s’orientent sur ces problématiques, avec par exemple la volonté d’être accompagné par un directeur financier pour mettre en œuvre des solutions d’affacturage. » Les missions concernent tous les secteurs d’activité, dans l’industrie comme dans les services, mais se concentrent majoritairement sur les ETI et les grosses PME. « Le management de transition est une manière pour ces entreprises de bénéficier d’expertises de haut niveau pendant le temps nécessaire pour passer une étape ou finaliser un projet » résume Xavier Bézio. A contrario, les grands groupes disposant en interne de ressources plus importantes, ils ne représentent qu’un tiers de la clientèle.
Des profils très seniors
Quant au profil-type du manager de transition, il se caractérise en premier lieu par un fort degré de séniorité. Christine Eynaud, DAF de transition depuis 2022, en est la parfaite illustration puisque c’est après une trentaine d’années d’expérience, acquise en contrôle de gestion et direction financière dans le secteur du retail, qu’elle s’est tournée vers ce mode d’exercice : « Cette voie m’est apparue comme la suite logique de ma carrière », témoigne-t-elle. Travaillant en direct pour l’entreprise cliente ou par l’intermédiaire d’un cabinet de management de transition, elle a notamment accompagné une entreprise dans la constitution de son organisation financière suite à un carve-out, avant d’effectuer une mission de remplacement du DAF dans une autre société et d’aiguiller cette dernière dans la définition du profil recherché, puis dans son intégration. « Une forte expérience est nécessaire pour être opérationnel immédiatement, souligne Alexandra Cadic. En une semaine, le manager doit être en mesure d’établir sa feuille de route. » Lors de son baromètre annuel réalisé en début d’année auprès de 600 managers de transition (toutes fonctions confondues), Morgan Philips relève ainsi que les trois quarts des répondants ont plus de 50 ans. « Nous constatons néanmoins un rajeunissement progressif de la profession qui s’ouvre désormais aux quadragénaires », remarque Xavier Bézio.
Agilité et humilité
L’expérience et le solide bagage technique doivent toutefois s’intégrer à un profil très opérationnel. « Bien qu’on attende d’un DAF de transition une certaine hauteur de vue, ce dernier doit accepter de mettre les mains dans le cambouis, poursuit Xavier Bézio. Les services dans lesquels il intervient ont généralement des équipes réduites, ce qui implique de réaliser soi-même certaines tâches, y compris parfois le passage d’écritures comptables. » L’humilité est donc requise tout comme l’agilité et la capacité à s’adapter rapidement à des contextes très différents. « L’erreur serait de rester figé sur son expérience passée pour coller des solutions toutes prêtes, prévient Christine Eynaud. Il faut au contraire se servir de ses acquis pour redéfinir de nouvelles solutions. Une bonne qualité d’écoute me paraît ainsi indispensable pour s’imprégner des caractéristiques de l’entreprise. »
Des qualités relationnelles d’autant plus importantes que le DAF de transition est parfois confronté à des personnes récalcitrantes. « Le manager de transition évolue dans des contextes à forts enjeux, donc potentiellement un peu tendus, rappelle Alexandra Cadic. Même si sa venue répond à une demande du client, il fait parfois face à une forme de résistance au changement. » Les besoins en management de transition, en particulier dans le domaine financier, devraient en tout cas continuer de croître dans les prochaines années, portés par la nécessité pour les entreprises de s’adapter à un environnement contraint et incertain, et par la notoriété d’un métier aujourd’hui intégré dans la boîte à outil des dirigeants.
Un marché majoritairement intermédié
Professionnel indépendant, le manager de transition a la possibilité d’exercer son métier soit directement avec l’entreprise cliente, soit par l’intermédiaire d’un cabinet à qui il facture sa prestation. Cette seconde option, qui présente l’avantage d’être libéré du travail commercial en amont, est aujourd’hui largement majoritaire puisque 70 % de l’activité du management de transition est intermédiée. Côté rémunération, le taux journalier moyen (TJM) hors taxe pour un DAF évolue entre 800 et 1 000 € pour une mission dans une PME, entre 1 000 et 1 500 € pour une ETI, voire plus de 1 700 € dans les grands groupes selon le baromètre Morgan Philips. Les directeurs de contrôle de gestion sont pour leur part sur un TJM de 600 à 800 € pour une PME, 750-1 000 € pour une ETI, et 950-1 100 € pour un grand groupe. Une facture de laquelle il faut éventuellement déduire environ un tiers de commission pour le cabinet.