2016 : grands rendez-vous et incertitudes géopolitiques
Dans son huitième et dernier discours sur l’état de l’Union prononcé le 12 janvier 2016, le président Obama a choisi d’insister sur l’avenir, à 5 ans, 10 ans ou plus (I want to focus on our future) sans adhérer «au dogme du passé tranquille» de Lincoln (équivalent, comme on le croit en France, du «c’était mieux avant»), afin de mieux affronter les vents du changement. 2016 se décline en grands rendez-vous programmés et en incertitudes géopolitiques inéluctables.
Quelques dates à retenir. En février, la présidence néerlandaise du Conseil de l’Union européenne répondra à David Cameron sur les amendements qu’il exige pour éviter un Brexit, qui ne prendrait effet qu’en 2018 mais serait un choc majeur tant pour le Royaume-Uni que pour l’Union. Les élections législatives en Iran dessineront le rapport des forces entre un président Rohani, modernisateur (il a pesé pour l’accord nucléaire du 14 juillet) et plus ouvert à l’égard de Riyad, et les conservateurs. Le processus de négociation sur la Syrie continuera. En juillet, l’Otan se réunira à Varsovie, dans un rôle de réassurance d’Européens inquiets d’un révisionnisme russe peu contraint par les sanctions.
Le 8 novembre, les élections américaines verront s’affronter une candidate démocrate donnée favorite et un leader républicain pas encore désigné (Trump, incarnant un populisme tonitruant ; Cruz ou Rubio, sur une ligne républicaine classique de critique d’un supposé recul du statut des Etats-Unis et de déclassement d’une partie de la classe moyenne). Les jeux sont ouverts, mais la centralité des Etats-Unis justifie l’écho mondial de ces élections. D’ici là, Barack Obama se rendra au Vietnam et à Cuba, une double première pour un président américain : donner corps au «pivot» vers l’Asie pour contenir la Chine, priorité de long terme de Washington ; renouer avec l’ensemble de l’Amérique latine après la normalisation avec La Havane. La lutte contre Daech se poursuivra, étendue avec Paris, Berlin et Rome au théâtre libyen.
Au registre des incertitudes, la Chine bien sûr : le plénum du parti en mars indiquera comment Pékin entend gérer le malaise social face à la transition du modèle économique, dans un climat de lutte anticorruption et d’absence de réforme politique. Si la montée en puissance géopolitique en Asie est durable et lisible, les évolutions politiques internes voient les experts internationaux diverger sur leur cours. Parmi les indicateurs de vulnérabilité du régime et de faiblesse systémique du parti, sont cités : la tendance des élites à émigrer, avec leurs capitaux, une chape de plomb sur les avocats des droits de l’homme et toute référence aux valeurs universelles, les limites de la lutte anticorruption dès lors que les élites politiques gèrent les grandes sociétés d’Etat à la manière des chaebols sud-coréens.
La Russie est certes sur une ligne de restauration justifiée par la conviction d’un complot occidental (Ukraine, révolutions de couleur et appui aux changements de régime, extension de l’Otan), mais la récession économique aggravée en 2016 (sanctions et prix de l’énergie) pourra conduire à des inflexions d’autant que l’euphorie patriotique de l’opinion russe après la conquête furtive de la Crimée est épuisée.
Dans les Orients compliqués, la coalition occidentale parviendra à réduire l’assise territoriale de Daech lorsque des forces irakiennes sunnites seront assez motivées pour reprendre Mossoul mais le risque demeure que Daech, défait en Orient, se mue en réseau menaçant la Turquie et la Russie, l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Asie du Sud. Les tensions entre Riyad et Téhéran seront contenues et l’enjeu est plutôt celui de l’adaptation politique et morale des dirigeants et du clergé saoudiens face à une société jeune, moderne et connectée. Finalement, l’incertitude la plus vive est celle de la politique de la Turquie, dont les versions successives – modèle de démocratie islamique, pôle du monde sunnite, pays émergent actif tous azimuts – se sont heurtées aux réalités des crises du Moyen-Orient. Or, sans Ankara, les Européens ne pourront pas rétablir leur sécurité intérieure.