Big data : que peuvent en attendre les PME ?
Si les techniques d’analyse de données – ou, en termes imagés, le big data – sont maintenant largement mises en œuvre dans les grandes entreprises, elles sont beaucoup moins répandues au sein des PME, voire des ETI. Les doutes de leurs dirigeants tiennent essentiellement à deux a priori : le volume des données disponibles serait insuffisant pour un traitement de masse et, de toute façon, les compétences pour en assurer l’exploitation ne sont pas disponibles en interne.
Il est d’abord un principe qu’il convient de rappeler : l’analyse des chiffres de l’entreprise n’a pas pour but d’apporter des explications définitives. Elle conduit le dirigeant à s’interroger sur la signification des constats et sur les conséquences qu’il doit en tirer. Ainsi, lorsque le contrôle de gestion fait apparaître une disparité inattendue dans l’évolution des ventes par produit au sein d’une même gamme alors que certaines petites références connaissent depuis plusieurs années un développement accéléré, que doit-on décider : se féliciter simplement du résultat ? Augmenter la gamme des petites références ? Développer une action commerciale particulière ?
Dans cet exemple, relevé dans une PME bourguignonne fabriquant des composants utilisés dans les chaudières, l’analyse de données ne concernait que quelques milliers de données. Elle a permis d’identifier un marché spécifique, et de construire ensuite un plan d’actions dédié.
Aujourd’hui, toutes les fonctions de l’entreprise pour lesquelles existe un processus de gestion sont susceptibles de donner lieu à analyse de données : stocks et approvisionnements, planification des opérations, ordres de fabrication s’il y a une usine, temps de travail du personnel, qualité et SAV, prise de commandes clients, etc.
L’analyse de données est complémentaire du contrôle de gestion traditionnel. Celui-ci permet de suivre les indicateurs de performance qui ont été déterminés préalablement. Si la performance n’est plus là, il permet rarement d’identifier les racines du problème. C’est là qu’intervient l’analyse de données par manipulation simple des informations relevant de systèmes différents. Ainsi, dans une entreprise de plasturgie réalisant des pièces injectées, les marges se sont soudain dégradées sans que le management puisse en identifier précisément l’origine. Un débat sur la taille des lots de pièces fabriquées partageait le management. La solution a été trouvée après avoir procédé à l’analyse fine de chacun des ordres de fabrication – temps de changement du moule, taille de la série, etc. Les informations figurant dans l’ERP ont été regroupées avec les données issues du logiciel opérant les presses à injecter. Il est ainsi apparu que la longueur moyenne des séries n’était pas en cause et qu’il fallait en revanche travailler sur la maintenance des moules, source de temps de changement trop longs et de non-qualité des pièces.
Tous les secteurs sont potentiellement concernés : services, industrie, commerce. La taille importe peu. L’analyse des tickets de caisse a permis à un restaurateur de modifier la composition de ses menus et d’augmenter son nombre de couverts. Le traitement des informations disponibles sur les sous-traitants a permis à un prestataire de services de revoir son modèle de gestion. Un distributeur a réduit de 20 % ses stocks et augmenté son chiffre d’affaires avec moins de références.
Les compétences requises sont de deux ordres : des connaissances en statistiques d’une part, l’expérience opérationnelle d’autre part. Les techniques statistiques utilisées sont le plus souvent assez basiques, s’appuyant en outre sur des logiciels du commerce, facilement connectables, peu coûteux et d’accès facile. L’expérience est par définition plus longue à acquérir. Si le profil n’est pas disponible en interne, il ne faudra pas hésiter à recourir à un intervenant extérieur, surtout si le travail demandé reste de durée limitée. Il s’agit en effet d’abord d’un outil d’amélioration des performances de l’entreprise. Nécessaire à intervalles pluriannuels réguliers ou non, cela justifie rarement un poste permanent. Faut-il en déduire que beaucoup d’entreprises n’y auront pas recours ? Certainement pas. La grande incertitude dans laquelle l’économie européenne se trouve en cette rentrée 2022 rend l’agilité et la recherche de performances plus nécessaires que jamais.
Bertrand Piens, membre du comité éditorial de Vox-Fi (DFCG)