Coronavirus, quel impact financier ?
Parmi les 10 risques les plus probables cités par le rapport 2020 du « World Economic Forum Global Risk » paru le 15 janvier 2020, le risque d’épidémie ne figure pas, et ce risque n’apparait qu’en 10ème position parmi les risques susceptibles d’avoir un impact significatif. Ce sont en effet les risques climatiques qui tenaient la première place parmi les préoccupations des répondants à l’enquête (réalisée en octobre 2019), tant en terme de probabilité d’occurrence que d’impact. Deux mois après la publication de ce rapport, l’épidémie de Covid-19 est présente dans la plupart des pays, et laisse entrevoir de lourdes conséquences humaines, économiques et financières.
Selon l’étude deBarro et ses coauteurs (2020) sur 43 pays pour lesquels des données détaillées sont disponibles, la grippe dite espagnole a tué 39 millions de personnes de 1918 à 1920, en trois vagues : 26,4M en 2018, 9,4M en 2019 et 3,1M en 2020. Son impact sur le PIB moyen par habitant de ces pays a été estimé à -6%. Les mesures de confinement actuelles tendent à étaler le pic épidémique, ce qui est nécessaire d’un point de vue sanitaire, mais est susceptible d’accentuer la sévérité de la récession. Confirmant l’étude de Barro pour la grippe espagnole, Gourinchas (2020) estime que la réduction du PIB par rapport à 2019 pourrait être comprise entre 6.5% et 10% pour les Etats-Unis, c'est-à-dire un impact supérieur à celui de la crise de 2008[1].
Le Covid19 entraine trois types de chocs : les personnes malades ne contribuent plus au PIB, les mesures de confinement et de fermeture des magasins donnent un coup d’arrêt aux dépenses des ménages et des entreprises, enfin l’incertitude entourant l’évolution de la situation et les anticipations négatives qui peuvent en résulter accentuent l’effet négatif sur l’économie : les acteurs économiques se mettent en mode veille et attendent de voir la suite. L’Organisation Internationale du Travail estime que la crise du coronavirus entrainera une augmentation du nombre de chômeurs dans le monde comprise entre 5.3 et 24.7 millions selon les scénarios (à comparer à une augmentation de 22 millions durant la crise de 2008). Pour atténuer le choc économique, tous les gouvernements se mobilisent pour proposer des mesures évitant les ruptures dans les chaines d’interconnexion de l’économie (maintenir les salaires, éviter licenciements, faillites en cascade, perturbations des chaines logistiques, crise financière). Durant la crise financière de 2008 ou la crise de l’euro en 2011, l’intervention des banques centrales a été déterminante. Dans le cas présent, les politiques monétaires ne sont pas suffisantes. Le choc touchant l’économie réelle, ce sont les politiques budgétaires qui prennent le relais. La plupart des pays ont lancé des programmes massifs de soutien de l’économie.
Unarticle récent analyse l’impact de cette crise épidémique sur les marchés financiers. Tout d’abord, les analystes financiers et les investisseurs n’ont pas plus que les participants à l’enquête du World Economic Forum Global Risk anticipé les risques et conséquences de l’épidémie. Aucune des conférences téléphoniques réunissant dirigeants, analystes et investisseurs autour des résultats des entreprises n’ont évoqué le Covid19 avant le 22 janvier, avec une forte augmentation de l’occurrence de la thématique à partir de fin février. Considérant les rentabilités anormales cumulées (ajustées pour la rentabilité du marché dans son ensemble) entre janvier et début mars 2020 pour les entreprises appartenant à l’indice Russel 3000 aux Etats-Unis, les auteurs confirment que les secteurs qui sont moins impactés par la crise sont les utilities, les services de télécommunication, de santé, et dans une moindre mesure l’immobilier et les biens de consommation courante. Ils montrent que les performances des entreprises dont l’activité est exposée à la Chine (import ou export) sont de 7% inférieures aux entreprises comparables, et de façon générale, les firmes plus internationales ont eu des performances de 2% inférieurs à des firmes comparables moins exposées. Mais durant la période la plus récente (à partir du moment où l’épidémie a explosé en Italie), les craintes des investisseurs se sont déplacées vers des caractéristiques financières des entreprises. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les entreprises les plus endettées ont moins bien performé tandis que les entreprises avec beaucoup de trésorerie ont mieux performé. Ces résultats montrent que les investisseurs sont de plus en plus concernés par les éventuelles contraintes financières que rencontreront les entreprises, et soulignent l’importance des mesures de soutien de l’économie évoquées plus haut.
[1] P.O. Gourinchas, 2020, Flattening the pandemic and recession curves, in Baldwin and Weder di Mauro, “mitigating-covid-economic-crisis-act-fast-and-do-whatever-it-takes”
Edith Ginglinger est professeur à l’Université Paris-Dauphine
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