Une analyse de Maxime Lemerle, responsable des recherches défaillances chez Allianz Trade

Défaillances d’entreprises : en 2024, deux pays sur trois pourraient dépasser leur niveau pré-Covid

Publié le 31 octobre 2024 à 15h00

Maxime Lemerle    Temps de lecture 4 minutes

Alors que la fin de 2024 approche, l’économie mondiale est aux prises avec une demande atone, des tensions géopolitiques persistantes et des conditions de financement inégales. Dans ce contexte incertain, nous constatons une normalisation des défaillances d’entreprises, celles-ci n'étant plus protégées par les mesures de soutien mises en place lors de la pandémie et de la crise énergétique. Face à ces observations, faut-il anticiper une nouvelle hausse importante des défaillances d’entreprises sur les prochaines années ?

En France, malgré des signes d’essoufflement sur la période la plus récente, la tendance haussière devrait terminer l’année sur un rythme soutenu pour la troisième année consécutive (+18 % en glissement annuel après +49 % et +35 % en 2022 et 2023, respectivement). Sur l’ensemble de l’année, nous estimons chez Allianz Trade que les défaillances d’entreprises devraient atteindre 67 000 cas, soit un niveau record et nettement supérieur à celui d’avant la pandémie (de +22 % par rapport à la moyenne 2016-2019), témoignant de l’importance de l’effet de rattrapage qui s’ajoute au cycle économique et à la simple normalisation post-Covid.

Certains secteurs tels que le bâtiment, le commerce de détail automobile, l’immobilier, l’assurance/finance ou encore les services, tant aux particuliers qu’aux entreprises, sont plus touchés et les défaillances y dépassent de loin leur moyenne 2010-2019. Le nombre de défaillances d’entreprises françaises devrait cependant baisser légèrement en 2025 et 2026, la croissance du PIB devant s’accélérer modérément de +1,1 % en 2024 à +1,2 % en 2025, aidée par l’assouplissement des conditions de crédit induit par la BCE. Cependant, cela signifierait toujours un niveau élevé avec plus de 60 000 cas en 2025 et 2026.

Lorsque nous avons publié nos premières prévisions mondiales en matière de défaillances d’entreprises en février, nous nous attendions déjà à une forte augmentation en 2024 suivie d’une stabilisation en 2025. La dynamique affichée depuis le début de l’année a plus que confirmé cette perspective, nous amenant à l’ajuster à la hausse, avec une augmentation de +11 % prévue pour cette année suivie d’un pic en 2025 à +2 %. Sur le plan mondial, les défaillances d’entreprises ne se stabiliseraient donc pas avant 2026, avec un indice mondial toujours à un niveau élevé. Selon nos calculs, c’est plus de la moitié du PIB mondial qui sera frappée par une hausse des défaillances à deux chiffres en 2024, et deux pays sur trois pourraient dépasser leur niveau pré-pandémie cette année. La construction, le commerce de détail et les services ont été les plus durement touchés, à la fois en termes de fréquence et de gravité.

«D’ici 2025, nous estimons que plus de 1,6 million d’emplois pourraient être menacés dans ces régions, soit 8 % du nombre total de chômeurs, ce qui représente le niveau le plus élevé depuis dix ans.»

Cette perspective d’ensemble résulte toutefois de dynamiques différentes selon les pays. Aux Etats-Unis, Allianz Trade prévoit une hausse des défaillances de +12 % en 2025 avant une baisse de -4 % en 2026. En Allemagne, elles augmenteront de +4 % avant de baisser de -4 % en 2026, au Royaume-Uni, elles se modéreront légèrement à partir de niveaux très élevés (-6 % en 2025 et -4 % en 2026), tandis qu'en Italie, elles continueront à augmenter (+4 % et +3 % respectivement). En Chine, les défaillances d’entreprises commenceront à augmenter à partir de faibles niveaux, +5 % en 2025 et +6 % en 2026.

Les grandes faillites ont notamment atteint un niveau record, l’Europe de l’Ouest étant en tête de cette tendance. Cette situation constitue également une menace majeure pour l’emploi, en particulier en Europe et en Amérique du Nord. D’ici 2025, nous estimons que plus de 1,6 million d’emplois pourraient être menacés dans ces régions, soit 8 % du nombre total actuel de chômeurs, ce qui représente le niveau le plus élevé depuis dix ans. Les principaux secteurs menacés sont la construction, le commerce de détail et les services.

Si l’assouplissement progressif des politiques monétaires doit apporter un certain soulagement, il ne constituera pas une solution miracle pour les entreprises en difficulté. En effet, la baisse des taux d’intérêt permet de réduire les coûts d’emprunt, d’améliorer les flux de trésorerie et de stimuler la rentabilité, mais elle ne peut pas résoudre complètement les problèmes financiers qui menacent les entreprises. Dans ce contexte, les entreprises ont déjà commencé à se désendetter et à s’adapter aux taux élevés. Notre analyse suggère que le cycle d’assouplissement actuel (-2 points de pourcentage d’ici à septembre 2025) conduirait tout de même à -4 points de pourcentage de la dynamique des défaillances, grâce à des marges plus élevées.

Maxime Lemerle Responsable des recherches défaillances  ,  Allianz Trade

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