Défaillances d’entreprises : forte hausse attendue en France et dans le monde

Publié le 22 mars 2024 à 14h00

Maxime Lemerle    Temps de lecture 5 minutes

Après la série de série de chocs de ces dernières années, c’est au tour du calendrier électoral chargé de 2024 de soutenir un haut niveau d’incertitude économique, puisque les pays se rendant aux urnes cette année représentent 60 % du PIB mondial. Ce contexte apportera une couche supplémentaire de complexité et de risques aux opérations commerciales, en rendant difficile pour les entreprises de faire des prévisions et des business plans précis, ou encore en créant de la volatilité dans les coûts des intrants.

Face à ce contexte incertain, devons-nous redouter une hausse importante des défaillances d’entreprises sur les prochaines années ?

En France, les défaillances d’entreprises ont terminé l’année 2023 à un niveau très élevé, avec un rythme qui s’est encore accéléré sur le dernier trimestre (+ 37 %) pour s’établir à 56 700 cas l’an, soit au-dessus des niveaux pré-pandémiques. Avec un niveau de défaillances très supérieur à celui observé en moyenne depuis 2010, certains secteurs sont les plus touchés, en particulier le transport/entreposage, l’information/communication, le commerce automobile ou encore l’hôtellerie/restauration. Concernant l’immobilier et la construction, le rattrapage s’accélère en lien avec le ralentissement cyclique de l’investissement résidentiel.

Chez Allianz Trade, nous estimons qu’en 2024, la France devrait dépasser le seuil symbolique des 60 000 défaillances d’entreprises après une nouvelle hausse sensible (+ 7 %). En cause principalement : la faiblesse attendue de la reprise conjoncturelle et les contraintes prolongées en matière de financement, qui risquent de fragiliser davantage des entreprises déjà à la peine pour rembourser les soutiens étatiques liés à la période Covid. Les défaillances d’entreprises françaises devraient ainsi se maintenir à un niveau élevé en 2025 malgré la reprise économique attendue.

Dans notre scénario central Allianz Trade, nous n’attendons pas de tsunami de défaillances d’entreprises tel que celui enregistré au lendemain de la crise financière de 2008-2009, lorsque les défaillances avaient respectivement flambé de + 17 % et + 19 % au plan mondial. Cependant, la poussée des faillites devrait être marquée dans plusieurs pays, en particulier les économies avancées d’Europe, ainsi que pour les entreprises plus exposées aux enjeux de rentabilité et de financement, et des secteurs spécifiques, notamment ceux davantage liés au B2C et la construction.

A l’échelle mondiale, et comme attendu, l’année 2023 a enregistré un rebond significatif des défaillances d’entreprises si bien que l’année 2024 a débuté avec des niveaux de défaillances supérieurs à ceux d’avant la pandémie dans la plupart des économies avancées. Le nombre de défaillances d’entreprises a rebondi dans trois pays sur quatre en 2023, la plupart enregistrant une hausse à deux chiffres. Nous avons observé de fortes hausses en particulier aux Etats-Unis (+ 40 % en 2023) et dans la zone euro (+ 14 %), avec respectivement les Pays-Bas (+ 52 %), la France (+ 35 %) et l’Allemagne (+ 23 %) en première ligne.

Au plan mondial, la hausse des défaillances s’est accélérée de + 6 points de pourcentage (pp) en 2023 par rapport à 2022, modérée uniquement par les baisses observées en Chine (– 14 %) et dans quelques marchés émergents tels que l’Afrique du Sud (– 13 %) et l’Inde (– 8 %). L’Europe de l’Ouest reste l’un des principaux contributeurs à cette hausse mondiale malgré un léger ralentissement par rapport à 2022. C’est toutefois l’Amérique du Nord qui a le plus contribué au rebond mondial, avec une forte accélération (+ 41 %). Autre facteur d’inquiétude : le retour des défaillances de grandes entreprises. En effet, elle induit un risque d’effet domino sur une liste généralement plus longue de fournisseurs, alors que 2023 a enregistré un cas par jour au niveau mondial (365) pour ce qui est des faillites d’entreprises de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.

La faible dynamique conjoncturelle, les perturbations commerciales et l’incertitude géopolitique ouvrent la voie à une nouvelle accélération des défaillances d’entreprises au niveau mondial en 2024. Dans notre scénario central, cette troisième année consécutive de hausse (+ 9 %) serait alimentée par une augmentation continue dans quatre pays sur cinq, avec des plus fortes hausses aux Etats-Unis (+ 28 %), en Espagne (+ 28 %) et aux Pays-Bas (+ 31 %).

Cette nouvelle poussée quasi généralisée amènerait deux pays sur trois à dépasser leur nombre de défaillances d’avant pandémie en 2024, contre un pays sur deux en 2023. L’économie de l’après-chocs apporte un grand nombre de vents contraires et de défis. Ceux-ci vont maintenant tester la résilience des entreprises les plus fragilisées par ces trois dernières années. Ces développements conduiront les défaillances d’entreprises à se maintenir à un niveau élevé en 2025 : + 12 % par rapport à leur niveau de 2019 aux Etats-Unis, + 8 % en France et + 6 % en Allemagne.

Maxime Lemerle Responsable des recherches défaillances  ,  Allianz Trade

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