Du pivot monétaire au tournant budgétaire ?

Publié le 17 octobre 2024 à 18h30

Jean-Christophe Caffet    Temps de lecture 4 minutes

S’il est naturellement trop tôt pour faire le bilan d’un exercice qui vient tout juste d’entrer dans son dernier trimestre – ultime ligne droite qui pourrait encore réserver quelques surprises, entre une situation au Proche-Orient loin d’être stabilisée et des élections américaines aussi cruciales qu’indécises –, quelques premiers enseignements peuvent néanmoins être tirés.

En premier lieu, le soft landing de l’économie mondiale se poursuit, plutôt sans heurts (majeurs) mais de manière très hétérogène, ou asynchrone. Alors que les Etats-Unis ralentissent enfin, certes homéopathiquement, l’Europe entrevoit le bout du tunnel, en ordre dispersé, tandis que la Chine, pour sa part, reste empêtrée dans ses problèmes structurels et peine à se relancer (voire à le décider !). Après trois ans d’un ralentissement qui semblait n’en plus finir, la piste d’atterrissage est donc en vue pour une économie mondiale qui aura, in fine, surpris par sa résilience. Reste à réaliser la manœuvre la plus compliquée, sinon la plus périlleuse, à savoir l’atterrissage à proprement parler…

Ensuite, l’hydre inflationniste semble en passe d’être vaincue, au moins temporairement, permettant aux banques centrales de relâcher leur étreinte, là aussi au moins temporairement. Quelles qu’en soient les raisons (bonnes aux Etats-Unis, mauvaises en Europe), la désinflation semble bien engagée et les cibles des principales banques centrales devraient être atteintes courant 2025. C’est déjà le cas en Europe, même si l’inflation sous-jacente reste supérieure à 2 %. De quoi donner quelques marges de manœuvre aux banques centrales pour remettre les gaz si l’atterrissage venait à mal tourner…

Enfin, et surtout, une nouvelle ère semble s’ouvrir : celle d’un assainissement budgétaire à la fois regrettable et nécessaire, actant le retour en territoire durablement plus restrictif, ou moins permissif, des conditions financières – malgré l’assouplissement monétaire. C’est déjà le cas, là aussi, en Europe, de même que dans de nombreux pays émergents dont les finances publiques ont été laissées exsangues par la succession des crises depuis près de cinq ans. Aux Etats-Unis, la question reste en revanche totalement absente des débats. La capacité du marché à absorber les titres émis par le Trésor américain éclipse en effet les quelques signaux d’alarme ou doutes parfois exprimés à ce sujet.

«C’est désormais la capacité des gouvernements à mener un assainissement budgétaire ordonné qui constitue le principal aléa – baissier – sur notre scénario central.»

Si le reflux de l’inflation constitue à n’en pas douter une bonne nouvelle pour les consommateurs et, du fait de la baisse des taux qu’il permet, pour les entreprises les plus lourdement endettées, il n’est pas dit qu’il en soit de même pour les Etats – et donc, in fine, pour les contribuables. Les ratios de déficit et de dette ne bénéficieront plus de l’impact favorable de l’inflation sur les dénominateurs (les PIB), ni même, pour le premier, sur les numérateurs (les soldes budgétaires). Ces derniers sont en effet pris en tenailles entre le ralentissement des recettes de nombreux impôts (TVA, impôt sur les sociétés…) et l’accélération mécanique de nombreuses dépenses, notamment en matière de protection sociale, souvent indexées sur l’inflation de l’année passée. Alors que les risques sociaux et politiques demeurent à des niveaux extrêmement élevés, comme la mise à jour de notre indicateur ce trimestre le confirme, c’est désormais la capacité des gouvernements à mener un assainissement budgétaire ordonné qui constitue le principal aléa – baissier – sur notre scénario central. S’il est permis d’espérer que les leçons du passé aient été tirées et qu’une nouvelle crise des dettes souveraines puisse être évitée, tout porte malheureusement à croire que l’Histoire ne fait pas que s’accélérer, mais tend aussi à se répéter.

Jean-Christophe Caffet Chef économiste ,  Coface

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