Economie mondiale : une reprise confirmée, mais à deux vitesses
Après une année 2020 de récession historique (– 3,4 %), suivie en 2021 par un rebond conséquent de la croissance (+ 5,4 %), que nous réserve l’économie mondiale pour 2022 ?
Cette année, la reprise économique post-crise restera robuste (+ 4,1 %). La croissance mondiale sera principalement soutenue par une consommation des ménages résiliente, des investissements importants et un dynamisme certain des échanges commerciaux internationaux. Le contexte sanitaire restera un frein à l’activité économique, mais son impact devrait être modéré : selon nos calculs, l’incertitude autour du variant Omicron ne devrait coûter que – 0,3 point de croissance aux économies avancées au T1 2022.
Si la dynamique reste solide, elle sera toutefois inégale, avec des divergences croissantes entre les économies avancées et les marchés émergents. Les économies avancées seront ainsi les principaux contributeurs de l’économie mondiale, à hauteur de + 2,2 points en 2022 et +1,6 point en 2023. La zone euro et les Etats-Unis seront des moteurs essentiels, avec des taux de croissance respectivement attendus à + 4,1 % et + 3,9 % en 2022.
En revanche, les pays émergents ont enregistré en 2021 un rythme de croissance inférieur à celui de la reprise mondiale. C’est la première fois depuis la grande crise financière de 2008-2009 qu’un tel cas de figure se produit. Symbole de cette dynamique économique mondiale à deux vitesses, la Chine : le pays devrait enregistrer un fort ralentissement en 2022 (+ 5,2 %), et ainsi apporter à la croissance mondiale sa plus faible contribution depuis 2015. Les divergences entre économies avancées et marchés émergents devraient d’ailleurs s’accroître à moyen terme : le taux de vaccination, encore faible dans certaines géographies, continuera d’exposer l’économie mondiale à l’émergence des nouveaux variants ainsi qu’à la volatilité et au retard de la reprise.
Faut-il craindre une forte inflation cette année ? Dans un contexte de perturbations prononcées des chaînes d’approvisionnement, de hausse des coûts de l’énergie et d’importantes pénuries d’intrants, l’envolée des prix, principalement l’inflation des biens, a été plus forte que prévu.
Chez Euler Hermes, nous estimons que l’inflation va rester élevée au premier semestre 2022, mais devrait ralentir par la suite, reflétant principalement un début de normalisation des disruptions des chaînes de valeur et la baisse des prix de l’énergie. Les banques centrales des pays avancés (notamment la BCE et la Fed) considèrent d’ailleurs que l’accélération actuelle de l’inflation n’est pas structurelle, mais qu’elle est majoritairement due aux facteurs temporaires précédemment cités.
Toutefois, depuis peu, les banques centrales reconnaissent que l’inflation durera plus longtemps qu’initialement prévu, avec une réelle incertitude concernant sa trajectoire future. Fin 2021, les pressions inflationnistes ont été particulièrement fortes dans les pays qui ont déjà comblé leur retard de production comme les Etats-Unis. Des poches d’inflation élevée sont également visibles dans les secteurs disposant d’un pouvoir de fixation des prix plus fort. C’est le cas notamment de l’automobile, des matériaux de construction et, dans une certaine mesure, des services de vente au détail et d’entrepôt. Une persistance du choc inflationniste au-delà de mi-2022 pourrait être amplifiée par l’activation d’une boucle prix-salaires, surtout au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, mais aussi en France.
Dans l’ensemble, nous prévoyons que l’inflation annuelle moyenne cette année culminera à 4,4 % aux Etats-Unis et sera proche de 3 % dans la zone euro, avant de retomber à des niveaux proches des cibles d’inflation des banques centrales en 2023.
L’économie mondiale va croître plus rapidement que sa moyenne de long terme ces deux prochaines années. Mais cette croissance n’est pas sans risques. L’inflation va perdurer encore quelques mois et les perturbations des supply chains mettront du temps à se résorber. Le début de normalisation des politiques monétaires et par la suite des politiques budgétaires ajoutera une charge de plus aux entreprises très endettées.
Sans compter d’autres risques : la crise de l’immobilier en Chine, les tensions sino-américaines et plus largement géopolitiques, ou encore les risques cyber et climatiques. Il faudra donc être vigilant face à un environnement international complexe et incertain tout en allant chercher, malgré tout, de nouvelles opportunités business.
Ana Boata est directrice de la recherche économique d’Allianz Trade
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