Green trade : le commerce mondial peut mieux faire
Aujourd’hui, les biens à faible intensité carbone représentent environ 8 % des exportations mondiales. C’est encore (trop) faible, mais cela progresse : entre 2000 et 2022, la part des biens à faible intensité carbone dans le total des exportations mondiales a crû de + 5 points. Comment accélérer la transition du commerce mondial vers le green trade ? Sans surprise, les pays les plus avancés économiquement ont une longueur d’avance en matière de green trade. L’Allemagne, dont les exportations de biens à faible intensité carbone représentent environ 15 % du total des exportations, occupait la première place en 2022, devant le Japon et la Corée du Sud. Les pays européens, de manière générale, sont bien placés, avec des exportations de biens à faible intensité carbone représentant environ 8 % du total des exportations de l’Italie, de l’Espagne et de la France. Les économies européennes font également figure de bons élèves en matière de progression vers le green trade. Les exportations de biens à faible intensité carbone de l’Allemagne ont par exemple crû de + 6,9 points entre 2000 et 2022.
Plus étonnant, lorsque l’on se penche sur la balance commerciale de biens à faible intensité carbone, on remarque que quelques économies plus modestes ont un avantage comparatif. Selon nos estimations, la Macédoine du Nord, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque ont ainsi le meilleur excédent commercial en matière de biens à faible intensité carbone, du fait de leur spécialisation dans quelques secteurs spécifiques qui représentent une part importante de leurs exportations. L’Allemagne se classe 5e au classement de l’excédent commercial green, alors que la France est en léger déficit, important plus de biens verts qu’elle n’en exporte.
Comment accroître le commerce de biens à faible intensité carbone ? Selon nos calculs, supprimer les barrières tarifaires sur ce type de biens permettrait d’accroître les exportations mondiales de + 10 % par an, soit un montant de 184 milliards de dollars. En effet, les barrières tarifaires sur les produits dits verts, bien que moins élevées que celles appliquées aux autres types de biens, sont encore élevées : elles atteignent en moyenne 5,4 % contre 8,6 % tous produits confondus. Et il n’est pas impossible, vu les ambitions écologiques de nombreux pays, de voir ces barrières tarifaires croître dans les années à venir : le protectionnisme tarifaire est souvent perçu par les gouvernements comme un moyen de protéger les intérêts nationaux.
Supprimer les barrières tarifaires sur les biens à faible intensité carbone est une nécessité pour accélérer la transition verte de l’économie mondiale. Une telle mesure réduirait le coût de ces biens à l’importation, ce qui les rendrait plus accessibles pour les consommateurs et les entreprises. Cela stimulerait également la concurrence entre les producteurs, ce qui pourrait générer de l’innovation à l’échelle locale et internationale.
Toutefois, le vrai frein au green trade, c’est le protectionnisme non tarifaire, comme les réglementations et les normes. Surpasser cet obstacle sera une étape déterminante, mais loin d’être aisée. Pour y parvenir, il faudra nécessairement renforcer la coopération internationale, voire passer par des accords commerciaux plus multilatéraux que régionaux.
De plus, l’émergence du green trade passera nécessairement par la transition écologique du fret maritime. Chaque année, environ 11 milliards de tonnes de biens sont transportées par la mer à l’échelle mondiale, soit 85 % du commerce mondial. Ce chiffre pourrait tripler d’ici 2050. Alors qu’aujourd’hui le fret maritime ne représente qu’environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, cette part pourrait atteindre 17 % à mi-siècle si aucune action n’est entreprise.
Les transporteurs sont conscients de ce challenge, et ils savent également que la décarbonation de leur flotte représente une vraie opportunité pour eux, tant la demande pour des moyens de transport plus verts est croissante. Aujourd’hui, 13 des 30 plus grandes compagnies de fret maritimes ont fixé des objectifs netzéro à atteindre d’ici 2040 ou 2060. Toutefois, pour verdir les flottes maritimes et atteindre ces objectifs, un investissement de 23 milliards de dollars par an sera nécessaire. Accroître le commerce de biens et de technologies à faible intensité carbone pourrait être un levier essentiel pour combattre le réchauffement climatique. Mais pour y parvenir, la route est encore longue, sinueuse et coûteuse.
Ana Boata est directrice de la recherche économique d’Allianz Trade
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