Economie mondiale : vers une croissance (très) fortement limitée

Publié le 18 novembre 2022 à 15h37

Ana Boata    Temps de lecture 4 minutes

Face à un environnement économique et géopolitique instable, soumis à de fortes pressions inflationnistes, à d’intenses perturbations des chaînes d’approvisionnement et à un resserrement monétaire engagé, quelles prévisions de croissance pour l’économie internationale en 2023 ? Chez Allianz Trade, nous estimons que la croissance économique mondiale devrait connaître un fort ralentissement l’année prochaine, pour atteindre seulement + 1,5 %, contre + 2,7 % en 2022.

Deux facteurs principaux pourraient causer ce fort ralentissement de l’activité économique mondiale : la crise énergétique et la hausse des taux d’intérêt.

D’une part, les ruptures profondes et durables sur les marchés de l’énergie et l’impact négatif sur la confiance des ménages et des entreprises feront entrer le secteur manufacturier en récession dans la plupart des pays en 2023. Dans le même temps, la hausse rapide des taux d’intérêt et la baisse des revenus réels disponibles entraîneront une récession du marché immobilier résidentiel aux Etats-Unis. Les Etats-Unis enregistreront une baisse de – 0,7 % du PIB en 2023, en dessous de la moyenne des récessions précédentes.

De l’autre, malgré une récession mondiale attendue au quatrième trimestre 2022, nous prévoyons une inflation élevée jusqu’au premier trimestre 2023, lorsque les prix du gaz atteindront un pic. Les prix de l’alimentation et des services maintiendront la pression sur les prix élevée jusqu’à la fin de l’année. Globalement, le niveau d’inflation mondiale devrait atteindre 5,3 % en 2023 (contre près de 8 % en 2022).

En zone euro, l’inflation devrait rester autour de 10 % jusqu’à la fin du premier trimestre 2023 et au-dessus de 4 % jusqu’à fin 2023 (5,6 % en moyenne sur l’année). Cependant, de plus en plus de signes indiquent que les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement mondiale ainsi que les attentes des entreprises en matière de prix ont atteint un pic alors que la demande s’affaiblit rapidement.

Par conséquent, la surabondance de stocks dans les secteurs de l’industrie manufacturière pourrait contribuer à faire baisser l’inflation en 2023. Globalement, près de 90 % de l’inflation dans la zone euro s’explique par les contraintes liées à la chaîne d’approvisionnement et aux prix de l’énergie, contre 75 % aux Etats-Unis. Le risque d’une boucle salaire-prix devrait être contenu, mais les risques à la hausse prévalent, notamment dans les pays européens.

Ainsi, selon nos estimations, la zone euro entrera en récession l’année prochaine, avec une contraction du PIB de – 0,8 %. Une situation provoquée par la flambée des prix de l’énergie, mais aussi par les économies nécessaires en réponse au manque d’approvisionnement en gaz russe ainsi que des effets négatifs sur la confiance que l’environnement économique engendre. Toutefois, un soutien budgétaire accru à hauteur de plus de 3 % du PIB en moyenne et un assouplissement monétaire limité après la mi-2023 contribueront à rendre la récession plus courte et moins profonde.

Conséquence directe de l’environnement économique international actuel : à l’échelle mondiale, le nombre de défaillances d’entreprises devrait, pour la première fois depuis deux ans, s’accroître en 2022 et 2023. Chez Allianz Trade, nous estimons que le nombre de faillites au niveau mondial croîtra de + 10 % cette année et de + 19 % l’année prochaine.

Le rebond des défaillances d’entreprises est d’ailleurs déjà une réalité pour de nombreux pays, en particulier les principaux marchés européens comme le Royaume-Uni, la France, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse. Ces marchés expliquent deux tiers de la hausse des défaillances d’entreprises attendue à l’échelle mondiale en 2022. La moitié des pays que nous avons analysés ont d’ores et déjà enregistré une croissance des défaillances d’entreprises à deux chiffres lors du premier semestre 2022. A l’inverse, les Etats-Unis, la Chine, l’Allemagne, l’Italie et le Brésil continuent de témoigner de faibles niveaux de défaillances, mais la tendance devrait s’inverser l’année prochaine dans ces pays. Comment expliquer cette recrudescence des défaillances ? Envolée de la facture énergétique, hausse des taux d’intérêt et croissance des salaires : autant de chocs de rentabilité qui pèseront indéniablement sur la trésorerie des entreprises, et devraient accélérer la normalisation des défaillances d’entreprises, notamment au sein des PME. 

Ana Boata Directrice de la recherche économique ,  Allianz Trade

Ana Boata est directrice de la recherche économique d’Allianz Trade

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