Face au ralentissement économique mondial, les entreprises gardent le cap
Deux années consécutives de ralentissement attendent l’économie mondiale. Après +3 % en 2022, le PIB mondial ne devrait croître que de +2,5 % en 2023 et +2,3 % en 2024. Pas de récession, certes, mais une activité internationale qui tourne au ralenti. Comment l’expliquer, et quelles implications pour les entreprises ? Les effets résiduels du resserrement monétaire, destiné à lutter contre l’inflation, entravent fortement le potentiel de croissance des économies avancées. Chez Allianz Trade, nous prévoyons ainsi un important ralentissement aux Etats-Unis (+1,5 %, soit -0,6 point vs 2022) et en zone euro (+0,5 %, soit -3 points vs 2022) cette année. L’Allemagne devrait même entrer en récession (-0,1 % en 2023), et la France enregistrer une croissance quasi nulle (+0,6 %). En parallèle, les marchés émergents subissent une pression croissante du fait d’importants déséquilibres internes et externes. L’Amérique latine perdra ainsi -2,1 points de croissance en 2023 (+1,6 %) et le Moyen-Orient -4 points (+2,7 %).
Conséquence directe de ce ralentissement économique mondial : les échanges commerciaux internationaux en volume se contracteront cette année de -0,7 %. En valeur, ils reculeront également (-2,1 %), du fait du ralentissement progressif de l’inflation. De quoi anticiper une diminution du nombre d’opportunités export pour les entreprises. Même source, autre conséquence : la décélération de la croissance économique mondiale devrait relancer le risque d’impayés à l’export. Selon nos prévisions, les défaillances d’entreprises croîtront de +21 % en 2023 et de +4 % en 2024 à l’échelle internationale. Le rythme de croissance de l’activité mondiale sera trop lent pour garantir aux entreprises des perspectives de développement suffisantes qui leur permettraient de renforcer leurs trésoreries.
Lors de notre Allianz Trade Global Survey 2023, nous avons demandé en début d’année à près de 3 000 exportateurs européens et américains comment ils percevaient cet environnement économique incertain. Nous en retirons deux conclusions principales. La première, c’est qu’à l’échelle globale, l’optimisme des exportateurs s’est quelque peu effrité : la part des entreprises qui s’attendent à une croissance de leur chiffre d’affaires à l’export en 2023 a reculé de -10 points par rapport à 2022. Toutefois : (i) elle reste à un niveau particulièrement fort comparé au contexte actuel, aux alentours de 70 % ; (ii) les exportateurs français figurent parmi les plus optimistes du marché, avec une part atteignant 76 %, stable par rapport à 2022. Malgré une conjoncture très volatile, les exportateurs semblent donc garder le cap.
La seconde conclusion que nous retenons, c’est que les exportateurs ont pleine conscience de l’environnement qui les entoure, et notamment de la recrudescence du risque d’impayés. En effet, globalement, le nombre d’entreprises qui s’attendent à une hausse des délais de paiement à l’export a crû : elles étaient 31 % à la craindre en 2022, elles sont désormais 42 %. Conséquence directe : le nombre d’entreprises qui s’attendent à une résurgence du risque d’impayés à l’export s’est aussi fortement accru (+11 pts vs 2022) et atteint désormais 40 %.
Les exportateurs français sont alignés avec cette perception : 41 % d’entre eux s’attendent à une hausse des délais de paiement export, et 40 % à une résurgence du risque d’impayés. Le risque d’impayés est d’ailleurs le risque majeur qu’ils identifient pour l’année en cours. Si l’optimisme des exportateurs reste de mise, il est indéniablement teinté de vigilance. Le contexte économique actuel pèse sur les finances des entreprises. De quoi remettre en cause leurs engagements ESG ? Pas forcément, ou tout du moins, pas à long terme. Certes, plus de 80 % des entreprises reconnaissent qu’elles favoriseront la continuité de l’activité aux engagements ESG en 2023. Mais, en parallèle, les entreprises confirment qu’elles souhaitent faire le nécessaire pour poursuivre leur transition verte : 85 % des répondants comptent accroître leurs efforts pour basculer vers les énergies vertes à long terme !
Il faut être lucide : la période actuelle est complexe et incertaine d’un point de vue économique. Mais s’il y a bien une éclaircie dans ce panorama, c’est que les entreprises gardent le cap, sont conscientes des défis qui les attendent et ne comptent pas relâcher leurs efforts ESG.
Ana Boata est directrice de la recherche économique d’Allianz Trade
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