Investissement optimal en immobilier et horizon de placement

Publié le 8 mars 2022 à 11h43

Jean-François Boulier    Temps de lecture 4 minutes

Une étude sur des données américaines le montre, l’investissement immobilier représente une source intéressante de diversification des portefeuilles. Mais tout dépend de l’horizon du placement.

L’allocation des portefeuilles institutionnels français en immobilier est de l’ordre de 6,5 % d’après l’enquête annuelle de l’Af2i. Quelle serait la part optimale si les nombreuses contraintes, comptables et réglementaires notamment, ne limitaient pas cette proportion ? Cette allocation optimale dépendrait-elle de l’horizon de placement, souvent lié au passif ? Les résultats seraient ils dépendant de la nature des véhicules choisis ? Alors que les taux sont très faibles et que pointent des menaces de retour de l’inflation, la question de l’allocation en actifs réels, notamment en immobilier, est souvent dans les esprits des investisseurs, tant institutionnels que particuliers.

Dans leur article « Real Estate in Mixed-Asset Portfolios for Various Investment Horizons », deux chercheurs de l’Université de Genève conduisent une recherche approfondie sur l’allocation en immobilier en fonction de l’horizon et de la nature du placement. Ils considèrent les évolutions des marchés américains entre 1990 et 2018 à partir d’indices, d’actions (MSCI), d’obligations et d’immobilier soit coté soit non coté et selon leur type, « core » (dénomination américaine pour la catégorie standard) ou non. Afin de pouvoir traiter les différentes classes d’actifs étudiées sur un pied d’égalité, ces chercheurs introduisent les coûts de transaction et surtout les structures temporelles de corrélation entre les rentabilités des classes d’actifs (la corrélation à court terme étant différente de la corrélation à long terme), ce qui est de nature à éventuellement modifier le potentiel de diversification.

Intérêt et limites de l’immobilier

Les résultats des optimisations de portefeuilles (maximisation de la rentabilité sous contrainte de volatilité) illustrent bien l’intérêt de l’immobilier d’investissement mais aussi ses limites. En retenant les portefeuilles dont le ratio de Sharpe (rentabilité divisée par la volatilité) est le plus élevé, l’allocation en immobilier est négligeable pour un horizon inférieur à deux ans et progresse régulièrement vers 10 % pour un horizon de cinq ans et 20 % pour 25 ans. Les allocations en actions sont de l’ordre de 12 % et les obligations de 68 % à un horizon de 25 ans. Ce résultat n’est pas affecté si l’on choisit un investissement direct dont les prix sont évalués à dire d’experts. Quand les véhicules d’immobilier coté (REIT) sont considérés, l’immobilier est alors présent dans les allocations même pour des horizons courts ; par ailleurs le placement dans un fonds immobilier « core » s’avère être un bon substitut à de l’immobilier en direct pour les horizons longs.

Ces résultats appellent plusieurs commentaires : tout d’abord l’allocation optimale à 25 ans n’est pas très éloignée des allocations constatées sur le marché français en ce qui concerne les actions et dans une certaine mesure les obligations. En revanche la part optimale en immobilier serait trois fois supérieure à celle constatée. Le fait que l’immobilier disparaisse (sauf immobilier coté) pour des horizons courts est cohérent avec les coûts de transactions plus importants pour cette classe d’actifs ; le fait que les valorisations à dire d’experts n’aient pas d’impact pour des horizons longs est rassurant. Enfin, la résistance de l’immobilier à la « concurrence » d’autres placements alternatifs montre la spécificité de cet investissement non substituable par d’autres, sans même avoir à considérer sa valeur d’usage. Mais le principal message reste que les allocations sont dépendantes des horizons considérés ce qui est conforme aux pratiques constatées dans l’enquête Af2i par exemple.

Une telle étude mériterait d’être conduite sur des données européennes et permettrait d’envisager l’intérêt de la diversification géographique dans des marchés encore très peu intégrés. Si les structures temporelles des corrélations et des volatilités sont bien prises en compte, la mesure des risques retenue reste classique alors qu’une approche plus adaptée au long terme serait à inventer et aurait peut-être une influence plus grande. Enfin, la primauté trop souvent donnée aux valorisations de marché relativement aux autres formes d’évaluation, par exemple par expertise, paraît ici remise en cause. Au total, une étude ouvrant beaucoup de perspectives utiles.

Real Estate in Mixed-Asset Portfolios for Various Investment Horizons, Jean-Christophe Delfina et Martin Hoesli, Journal of Portfolio Management, 2019.

Cet article a obtenu le prix spécial du jury 2020 de l’Af2i.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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