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Des entreprises toujours plus vertes
Encore très minoritaire, l’activité « green » des entreprises, qui représente 4 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des sociétés cotées à travers le monde, a tout de même augmenté de 6,5 % par an depuis les accords de Paris, en 2015. La réglementation, l’innovation et la présence d’investisseurs institutionnels contribuent à faire verdir l’activité des entreprises.
Le vingt et unième siècle sera-t-il celui du succès des politiques vertes ou, comme la récente élection de Donald Trump le fait redouter, la fin d’une quête vers une économie plus frugale en ressources de la planète et moins émettrices de gaz à effet de serre ? Les appels à une plus grande attention aux risques climatiques, à une meilleure gestion de l’environnement ainsi que d’autres facteurs de gestion économique ne peuvent être ignorés mais ils sont en pratique diversement suivis selon les pays et les entreprises. Il apparaît donc particulièrement intéressant de mesurer la taille effective de l’économie verte et d’analyser les facteurs soutenant sa croissance.
Dans leur article « The Green Transition : Evidence from Corporate Green Revenues », trois chercheurs analysent l’évolution de l’économie verte en s’intéressant à la part des revenus des entreprises liée à cette caractéristique. Ils utilisent pour cela la mesure mise en place par FTSE Russel visant à mesurer les activités qui concourent à améliorer six critères clairement identifiés, comme par exemple une moindre émission de gaz à effet de serre, sans dégrader leurs autres impacts sur l’environnement. Ils étudient l’échantillon mondial d’entreprises cotées auquel s’applique cette mesure soit plus de 16 000 valeurs, entre 2010 et 2022, l’accord de Paris se situant au milieu de la période.
Fin 2022, les revenus verts des entreprises mondiales se situeraient autour de 4 000 milliards de dollars, principalement liés à quelques entreprises américaines et japonaises, l’Europe se distinguant par des entreprises ayant une part en moyenne plus importante de ces activités vertes, de l’ordre de 15 %. Avant l’accord de Paris, ces revenus stagnaient à 2 % des revenus totaux alors qu’ils représentaient 4 % fin 2022, soit une croissance de 6,5 % par an depuis l’accord, cette croissance étant particulièrement liée à une meilleure efficacité énergétique et dans les transports.
Une rentabilité des actifs plus faible
Les chercheurs montrent que la réglementation, l’innovation verte et la présence d’investisseurs institutionnels influent positivement sur cette évolution. En particulier, la présence de membres des UN PRI et des CDB accélèrent la croissance des revenus verts des entreprises qu’ils financent. Les chercheurs constatent d’ailleurs que les ROA des entreprises ayant les plus fortes croissances vertes tendent à être plus faibles que les autres et que leurs capex sont plus élevés. Les investisseurs dans ces valeurs auraient également un moindre turn-over de leurs portefeuilles. En revanche, les performances boursières des entreprises ayant des revenus verts ne semblent pas être meilleures, sauf toutefois pour celles ayant plus de la moitié de leurs revenus en activités vertes.
Ces résultats montrent à quel point est long le chemin qui reste à parcourir, du moins avec le critère retenu. En revanche, ils permettent de mesurer les évolutions et de déterminer certains des facteurs qui y contribuent. Les stratégies de développement par l’innovation sont particulièrement intéressantes et l’étude montre que les accords de Paris ont apporté un avantage compétitif aux entreprises les plus innovantes dans ce domaine. Cette estimation des activités vertes est en fait une définition de mesure agrégée d’impact qui permet de juger la contribution de chaque entreprise à la transformation verte. D’autres choix de définitions ou de paramétrage donneraient des résultats différents bien sûr, mais leur caractère objectif et défini est sans doute une amélioration par rapport aux scores ESG souvent critiqués. L’analyse des conséquences de la réglementation est un aspect intéressant de l’étude, qui ne décèle pas de différences entre entreprises européennes, toutes assujetties, alors qu’elles sont discriminantes pour les entreprises américaines qui n’y sont pas contraintes, et en sont même désormais dissuadées par la nouvelle administration. Il serait utile d’ajouter une dimension dynamique en projetant les évolutions futures liées aux stratégies décidées par les entreprises. Espérons que le deuxième mandat de Trump ne se traduise pas par un feu rouge à cette économie verte encore naissante...
« The Green Transition : Evidence from Corporate Green Revenues », Johannes Klausmann, Philipp Krueger et Pedro Matos, Hong Kong University Business School, Working paper, 2024.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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