La BCE a montré sa détermination, les marchés ne sont pas convaincus
Une nouvelle fois, la BCE a montré sa détermination, lors de sa réunion du 10 mars, et assoupli sa politique monétaire. La première réaction des marchés a été dubitative, avec une hausse de l’euro et une baisse des marchés actions. Cela correspond à notre vue que la politique monétaire arrive aux limites de son efficacité. Elle a probablement fini d’agir pour cette année, mais, face à une faible inflation, la question de nouvelles actions se posera à nouveau en 2017.
Ces dernières semaines, les craintes des marchés, renforcés par les travaux de la Banque des règlements internationaux, ont porté sur les effets négatifs à long terme des politiques de taux d’intérêt négatifs, susceptibles de nuire en particulier à la profitabilité des banques. La BCE a, certes, baissé son taux de refinancement de 0,05 % à 0 % et le taux de la facilité des dépôts de - 0,30 % à - 0,40 %. Mais elle a clairement indiqué qu’un nouveau plancher avait été atteint du côté des taux d’intérêt, à moins que les conditions économiques se dégradent, et que ses actions se tourneraient maintenant vers des politiques dites «non conventionnelles», en l’occurrence des achats de titres ou bien des prêts à quatre ans à taux négatifs pour les banques qui accélèrent leurs prêts à l’économie réelle.
En ce qui concerne les achats de titres, la BCE continue de se concentrer sur les obligations. Elle achètera désormais 80 milliards d’euros par mois, contre 60 milliards auparavant. Cela va contribuer à aplatir la courbe des taux d’intérêt et permettra aux Etats de continuer de s’endetter à bas coût (la France s’endette à 10 ans à 0,7 % !). Cela ralentira les efforts de réduction de déficit public structurel, conduisant à un accroissement lent des taux d’endettement. La BCE a cette fois introduit une nouveauté, en achetant des obligations d’entreprise. Le but est de contrecarrer le durcissement des conditions de crédit pour les grandes entreprises, sachant que les coûts de financement des obligations les mieux notées (investment grade) avaient augmenté en moyenne de 100 points de base (pb) depuis la fin de l’année dernière. On ne connaît pas encore les détails de ce programme qui ne commencera qu’à la fin du deuxième trimestre, mais il est probable que la BCE achètera de 5 à 10 milliards d’euros par mois, ce qui représenterait tout de même de 25 % à 50 % des émissions ! La BCE pourra probablement aller jusqu’au bout de son programme d’achat global censé se terminer en mars 2017. Toutefois, la BCE pourrait avoir des problèmes à trouver suffisamment d’obligations éligibles si elle devait continuer ses achats au-delà de mars 2017, au motif que l’inflation resterait encore en dessous de 2 %. Elle ne peut pas acheter plus de 25 % des titres de dette souveraine émis depuis 2013 et 33 % (taux qui peut être relevé quelque peu) de ceux émis avant cette date. Certains gouverneurs pourraient être tentés d’acheter des obligations bancaires, voire des actions. Nous pensons toutefois que les réticences (conflit d’intérêt avec sa fonction de superviseur des banques, risque élevé sur les actions) l’emporteront et qu’elle s’arrêtera là, à moins que la situation économique se dégrade fortement.
La mesure la plus novatrice concerne les TLTRO II, des prêts aux banques à quatre ans, qui seront effectués au taux négatif de - 0,40 % si les banques augmentent leurs prêts à l’économie réelle (hors prêts immobiliers) de 2,5 % d’ici 2018. Cette contrainte ne semble pas forte à première vue et il est donc probable que les banques seront intéressées. Toutefois, la faiblesse de la croissance de la zone euro, le faible appétit des PME pour la dette et l’investissement, ne permettent pas aujourd’hui d’envisager que les banques augmenteront fortement leurs encours de dette auprès de la BCE, au-delà des montants déjà empruntés.
Avec ses nouvelles prévisions économiques, la BCE s’est donné du temps. Il faudrait en effet des chocs majeurs pour qu’elle revoie à la baisse sa prévision d’inflation de moyen terme (1,6 % en 2018) et se sente alors obligée d’agir. Mais la question reviendra sur la table en 2017. Nous continuons de penser que, seule, la BCE ne peut régler les problèmes de la zone euro. Le retour de la croissance, et, avec elle, le retour d’une inflation plus proche de l’objectif des 2 %, ne peut venir que des efforts de réformes à l’échelle nationale ainsi que du renforcement des politiques européennes. C’est de là que reviendra la confiance et que l’investissement se débloquera.
Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking
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