La BCE va jouer sur la longueur de ses achats d’obligations d’Etat, pas sur la taille
Depuis les différents chocs d’incertitude observés cet été, une partie des opérateurs de marché se met à anticiper que la BCE mettra en place des mesures plus agressives (baisse du taux de dépôt, accroissement du QE) dans les prochains mois. Selon nous, la poursuite de la reprise économique ne justifie pas de telles mesures. Par contre, la faiblesse de l’inflation justifie de poursuivre ses mesures plus longtemps.
Depuis les différents chocs d’incertitude observés cet été, une partie des opérateurs de marché se met à anticiper que la BCE mettra en place des mesures plus agressives (baisse du taux de dépôt, accroissement du QE) dans les prochains mois. Selon nous, la poursuite de la reprise économique ne justifie pas de telles mesures. Par contre, la faiblesse de l’inflation justifie pour la BCE de poursuivre ses mesures plus longtemps.
Depuis l’été, une série de chocs (Chine, Volkswagen, hésitations de la Fed sur le moment de relever les taux directeurs, correction des marchés actions) a renforcé les inquiétudes sur la vigueur de la reprise et par là même conduit les opérateurs de marché à anticiper des politiques monétaires plus accommodantes de part et d’autre de l’Atlantique.
En août, la dévaluation de la Chine a fait prendre conscience que le ralentissement chinois était à la fois prononcé et structurel. Elle a fait craindre un temps l’avènement d’une nouvelle guerre des changes susceptible d’entraîner une crise systémique dans les pays émergents. Ce risque explique en grande partie les hésitations de la Fed à relever ses taux directeurs. Depuis, les signaux en provenance de Chine se sont voulus plus rassurants. Les autorités pékinoises sont intervenues pour limiter la dépréciation (- 3 % depuis août) et ont annoncé des mesures de relance ciblées. Les statistiques macroéconomiques, notamment les importations, sont apparues moins mauvaises en septembre. D’ailleurs, le FMI a publié la semaine dernière des prévisions inchangées pour 2016 sur la croissance chinoise à 6,3 %. Concernant Volkswagen, à ce stade, les risques de choc négatif majeur qui concernerait l’ensemble de l’industrie automobile européenne semblent limités.
Les risques économiques ont augmenté mais les dernières statistiques disponibles en zone euro suggèrent que la croissance se maintiendra ferme au second semestre. Les immatriculations de véhicules et les ventes au détail restent très dynamiques et la confiance des consommateurs reste proche de sommets historiques, soutenue par l’amélioration du marché du travail et la faiblesse de l’inflation. Les enquêtes de confiance auprès des entreprises plafonnent, mais demeurent à des niveaux compatibles avec une légère accélération de la croissance. L’afflux de migrants devrait également stimuler les dépenses publiques et la consommation.
Au total, à part l’atonie de la reprise de l’investissement (que nous expliquons par la faiblesse de l’investissement public et les incertitudes sur le potentiel de croissance à long terme de la zone euro), le scénario de reprise économique de la BCE continue de se mettre en place. L’inflation est certes retournée en territoire négatif (- 0,1 % en septembre), mais il s’agit de ce que certains qualifient de «bonne déflation», à savoir qu’elle provient essentiellement de la baisse des matières premières. Ce qui doit préoccuper plus la BCE est probablement la faible vitesse à laquelle l’inflation domestique (sous-jacente) accélère. Malgré la faiblesse de l’euro, elle reste scotchée à 0,9 % l’an. Selon nous, cette reprise cyclique est plus molle que dans le passé (la fin des années 1990), notamment à cause de la faiblesse de l’investissement, et il faudra trois ou quatre ans avant que le chômage baisse suffisamment pour que l’inflation domestique ne revienne près de la cible des 2 %.
Un tel scénario justifie que la BCE continue ses achats d’actifs et ses opérations de refinancement à long terme au-delà de septembre 2016, au moins jusqu’en 2017. Si les perspectives économiques se dégradaient dans les prochaines semaines, la BCE privilégierait selon nous une hausse de ses achats d’obligations, de 60 milliards d’euros par mois à 80 milliards, par exemple, plutôt qu’une baisse de son taux de dépôt, déjà en territoire négatif (- 0,20 %). Cela étant dit, la BCE réfléchirait plus d’une fois à une telle action, car elle pourrait avoir des problèmes à trouver suffisamment d’obligations éligibles au cours du temps. Selon nos estimations, à raison de 80 milliards au lieu 60 milliards d’achat d’obligations par mois, elle arriverait au bout de ses possibilités à l’été 2017. Pour continuer d’intervenir, elle devrait alors envisager d’autres actifs, comme les actions. Le conseil des gouverneurs de la BCE en est probablement encore loin.
Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking
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