La fin de la sous-performance de l’économie française

Publié le 10 juin 2016 à 16h55

Michel Martinez

L’économie française a sous-performé la zone euro depuis 2013. Depuis deux trimestres, cela n’est plus le cas. Les récentes grèves et inondations font certes peser un risque sur la croissance au deuxième trimestre. Il n’en reste pas moins que l’économie française connaît une amélioration qui nous semble durable et qui s’explique, d’une part, par la fin de la morosité du secteur de la construction et, d’autre part, par l’amélioration du résultat net des entreprises. Après un moi de mai difficile, les chiffres du chômage devraient reprendre leur tendance baissière.

Malgré une contribution du commerce extérieur net négative, dans la zone euro comme en France, la croissance devrait se situer aux alentours de 1,5 % cette année et l’an prochain, c’est-à-dire dans la moyenne européenne. C’est un changement notable par rapport à la période 2013-2015 où la croissance française s’est située en moyenne 0,2 % en dessous de la zone euro. Nous constatons que le climat des affaires et la consommation en France sont en amélioration sensible depuis l’été dernier. En mai, l’indicateur du climat des affaires de l’Insee pour l’économie dans son ensemble a progressé à 102,1 contre 99,9 en septembre. L’enquête Insee sur le climat des affaires est un outil fiable qui repose sur un échantillon de 20 000 entreprises. Historiquement, le niveau de 102,1 correspond à une croissance du PIB de 0,5 % en trimestre glissant (2 % en glissement annuel !). Depuis quelques trimestres, les investissements prennent progressivement le relais de la consommation comme moteur de la croissance. Nous détaillons ci-après les raisons pour lesquelles la France est en train de cesser de sous-performer la zone euro.

Le premier semestre 2016 compte trois jours ouvrés de plus qu’en 2015 (le 29 février, les 1er et 8 mai qui tombent un dimanche). Selon nos estimations, cela pourrait ajouter 0,1 % au PIB en 2016. Il n’est pas impossible que les jours travaillés en mai compensent l’impact négatif des grèves.

Le secteur de la construction a constitué l’un des principaux maillons faibles de l’économie française, réduisant le PIB de 0,4 % en 2014 et de 0,3 % en 2015. Ce handicap devrait disparaître cette année grâce à la reprise naissante dans l’investissement résidentiel. Les augmentations des ventes des promoteurs et permis de construire observées depuis le second semestre 2015 (à deux chiffres) laisse présager un redressement de l’investissement résidentiel cette année même si sa contribution à la croissance devrait rester encore modeste avant d’accélérer nettement l’an prochain. Les prix dans l’immobilier résidentiel ont déjà sensiblement monté entre septembre et mars (+ 4 %), une première depuis 2011, et nous tablons sur une poursuite de cette hausse cette année. Nous considérons même que les prix dans l’immobilier sont sous-évalués de 10 à 15 % au regard de l’amélioration de la capacité d’emprunt des ménages : la pratique des banques françaises font que les frais liés à l’emprunt ne peuvent excéder 35 % du revenu des ménages, et leur capacité d’emprunt est fonction du revenu des ménages, des taux d’intérêt (qui atteignent des plus bas historiques, de l’ordre de 1,8 % sur 20 ans), et de la durée moyenne des prêts immobiliers qui reste proche de 18 ans. A l’inverse, les réductions dans les subventions de l’Etat aux collectivités locales devraient entraîner une nouvelle baisse des investissements publics (infrastructure, ingénierie civile) cette année, cependant moindre qu’en 2014-2015. Les travaux du Grand Paris devraient ajouter 0,1 point de PIB l’an prochain

L’investissement des entreprises non financières a progressé pour le huitième trimestre consécutif au T1 16 augmentant de 5,3 % en glissement annuel. C’est bien. Nous anticipons une même progression cette année. Tout d’abord, l’enquête trimestrielle d’avril de l’Insee sur les investissements dans l’industrie montre que les chefs d’entreprise dans ce secteur anticipent un rebond de l’investissement de 7 % en 2016 (en nominal). Ensuite, les baisses d’impôt et de la charge de la dette ont permis une amélioration sensible des marges nettes des entreprises au cours des deux dernières années. L’épargne brute (résultat après impôt, frais financiers et dividendes) a progressé de 16,9 % de la valeur ajoutée brute en 2013 à 17,4 % de valeur ajoutée brute en 2014 et à 19,8 % au T1 16, un niveau très supérieur à la moyenne historique de 18,4 %. Après la reprise de l’investissement, l’emploi devrait suivre et après un moi de mai probablement difficile, nous anticipons que les chiffres du chômage baissent d’environ 10 000 chaque moi d’ici mi-2017.

Michel Martinez Chef économiste Europe ,  Société Générale Corporate & Investment Banking

Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking

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