Mesurer la performance des hedge funds : l’apport des nouvelles données
Mesurer la performance des hedge funds est une tâche complexe. La diversité des stratégies et le manque de transparence sont deux obstacles aux approches purement quantitatives, uniquement basées sur l’observation des rendements historiques. Afin de contourner cette difficulté, de nombreuses recherches académiques font aujourd’hui appel à d’autres sources d’information. Cinq papiers de recherche, présentés lors de la 7th Hedge Funds Research Conference qui a eu lieu fin Janvier à Paris[1], et résumés dans cet article, illustrent cette tendance. Trois premiers papiers utilisent des approches standard, basées sur des données de portefeuilles, alors que deux autres papiers ont des approches plus originales utilisant des informations personnelles sur les gérants.
Parmi les approches standard, Cao et al. (2014) examinent la relation entre les portefeuilles en actions détenus par les hedge funds et l’efficience informationnelle des marchés. Grâce à des données collectées par le régulateur américain, les auteurs constatent qu’en moyenne, la détention d’un titre par un hedge fund améliore significativement l’efficience du marché pour ce titre. La contribution des hedge funds à l’efficience est de plus supérieure à celle des autres investisseurs institutionnels. Toujours dans cette catégorie, Agarwal et al.[2](2014) examinent l’impact des ventes forcées réalisées par les fonds de hedge funds sur la période 2004-2011. En exploitant des données également collectées par le régulateur américain, ils constatent que les fonds de fonds faisant face à d’importantes sorties ont tendance à liquider leurs positions dans les hedge funds les plus liquides, même si ces fonds performent bien. Les auteurs montrent également que l’écart de liquidité entre les hedge funds qu’ils détiennent et les conditions de liquidité offertes aux investisseurs permet de prédire le risque de liquidité auquel s’expose le fonds de hedge funds. Enfin, Edelman, Güner[3] (2014) ont accès aux leviers employés par un certain nombre de hedge funds de la stratégie long/short equity suivis par un gros fonds de hedge funds. Ils étudient la capacité des gérants à modifier stratégiquement ces leviers au cours du temps. Les auteurs trouvent qu’une proportion importante des gérants ajustent de manière efficace leur levier à partir de prévisions faites sur la liquidité du marché, la liquidité de financement et la volatilité. Ils génèrent ainsi une surperformance, particulièrement importante dans les périodes caractérisées par une forte volatilité et des conditions de financement difficiles.
Parmi les approches plus originales, Gerritzen et al.[4](2014) constatent que les modèles factoriels utilisés dans l’analyse de la performance des hedge funds ignorent la possibilité que d’autres gérants investissent de manière similaire. Ils construisent un réseau entre les gérants de hedge funds, basés sur des informations personnelles relatives à leurs emplois antérieurs dans la même société ou chez leurs anciens employeurs. Ils montrent alors que la proximité entre deux gérants a un impact significatif sur leur exposition aux facteurs de risque (bêta). De plus, le fait d’avoir travaillé pour le même employeur explique une grande partie de la similitude dans la valeur ajoutée des gérants (alpha). Basant également leur étude sur des informations personnelles, Lu et al.[5] (2014) montrent que les événements conjugaux ont un impact négatif sur le rendement des hedge funds. Le mariage ou le divorce d’un gérant sont généralement suivis de performances significativement plus faibles. Les gérants âgés, dont les fonds sont liquides et les stratégies d’investissement actives, sont les plus durement affectés par le mariage. Les gérants plus jeunes, sur des stratégies d’investissement illiquides avec un horizon de placement plus long, sont eux plus sensibles aux effets négatifs du divorce. Les biais comportementaux peuvent ainsi expliquer en partie la détérioration de la performance, et le peu d’attention consécutif aux événements matrimoniaux peut nuire à la performance des gérants de hedge funds.
1. Cao, C., B. Liang, A. Lo, L. Petrasek, 2014. Hedge Fund Holding and Stock Market Efficiency, Working Paper.
2. Agarwal, V., G. Aragon , Z. Shi, 2014. Liquidity Spillovers in Hedge Funds : Evidence from the Holdings of Funds of Hedge Funds, Working Paper.
3. Edelman, D., B. Güner, 2014. Dynamic Management of Hedge Fund Leverage, Working Paper.
4. Gerritzen, M., J. Jackwerth, A. Plazzi, 2014. Birds of a Feather - Do Hedge Fund Managers Flock Together ? Working Paper.
5. Lu, Y., S. Ray, M. Teo, 2014. Limited Attention, Marital Events and Hedge Funds, Working Paper.
Serge Darolles est professeur à l’Université Paris-Dauphine.
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