Migrations : une Europe attractive

Publié le 2 octobre 2015 à 16h15

Michel Foucher

Depuis 2013 relève l’OCDE dans un rapport sur les perspectives migratoires internationales publié la semaine dernière, l’Union européenne a reçu autant de migrants permanents issus des pays tiers que les Etats-Unis n’ont laissé entrer de migrants en provenance de tous les pays du monde. Et, en 2015, en raison de la situation exceptionnelle liée à la dégradation des conditions de vie des réfugiés syriens dans les pays alentour due à l’insuffisance des moyens du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) et du Programme alimentaire mondial (PAM) et à la tragique impasse politique en Syrie, les flux de réfugiés ont doublé en un an.

Quelles que soient les inévitables différences culturelles et politiques entre les Etats européens à l’égard des défis posés par ces primo-demandeurs d’asile (398 000 pour le seul premier tirmestre 2015, selon Eurostat, contre 626 000 en 2014 et 431 000 en 2013) , l’Union européenne est mieux préparée que lors des crises migratoires balkaniques des années 1990 pour y répondre. Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, on prend enfin conscience que l’Europe instituée est attractive, en termes d’emploi et de protection des droits de l’homme, situation très comparable à celle des Etats-Unis par rapport aux Latino-Américains et aux Asiatiques. Dans l’interprétation des mouvements migratoires, il convient de compléter les facteurs objectifs et souvent tragiques de départ et de demande de refuge («push factor») par les motivations positives («pull factor») nourries par la connaissance des opportunités offertes dans les pays d’arrivée. L’attraction que présente l’Europe pour les jeunes générations de ses voisinages, quand les pays sont en crise durable (Syrie) ou sans Etat gestionnaire efficace (Algérie, Irak) est une réalité durable, structurelle et de mieux en mieux connue à l’extérieur, en des temps de communication instantanée.

Ensuite, la gestion des questions migratoires est en train de devenir, pas à pas, une politique commune alors que, jusqu’à maintenant, elle relevait d’abord de la compétence des ministres de l’intérieur. Le Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait d’ailleurs anticipé cette nécessaire évolution en présentant un «agenda européen sur la migration» le 13 mai 2015, lequel fut d’abord refusé par les Etats membres en juin dernier. Or, parmi les quatre piliers d’une meilleure gestion des migrations, cet agenda propose les éléments d’une nouvelle politique sur les migrations légales. Il y est noté que l’UE est en compétition avec d’autres économies pour attirer les travailleurs qualifiés dont le besoin augmentera de 23 % d’ici 2025 alors que des déficits se font jour dans des secteurs comme la science, la technologie, l’ingénierie et la santé. Il est également souligné que l’UE est confrontée à des défis économiques de long terme, avec une population qui vieillit et une économie de plus en plus dépendante des emplois très qualifiés. Sans migrations, la population en âge de travailler déclinera de 17,5 millions dans la prochaine décennie.

Depuis 2013, plusieurs Etats ont opté pour l’ouverture de leur marché du travail aux travailleurs étrangers qualifiés et diplômés, notamment dans les domaines de la santé, de l’ingénierie, des transports et de la logistique : l’Allemagne avec le dispositif fédéral d’intégration par la qualification, l’Autriche, l’Estonie, l’Irlande et la France avec le projet de «passeport talents». Les experts de l’OCDE s’accordent à estimer que la contribution des immigrés est supérieure à ce qu’ils reçoivent en prestations sociales ou en dépenses publiques et que le coût initial est compensé par un bilan fiscal net ensuite. Il se trouve que ces réfugiés venus de Syrie depuis 2014 ont souvent un bon niveau d’éducation (43 % de ceux reçus en Allemagne en 2013 et 2014 ont reçu une éducation secondaire supérieure)*. Mêmes proportions en Suède. L’effort de formation et d’intégration de ces ressortissants des pays tiers peut donc être considéré comme un investissement de long terme. C’est ce que, avant d’autres, les dirigeants allemands ont compris, en combinant l’expression des valeurs et le sens des intérêts. C’est assez rare en Europe pour être salué.


 * Is this humanitarian migration crisis different? Migration Policy Debates, OCDE, n° 7, septembre 2015

Michel Foucher Conseiller du président ,  Compagnie financière Jacques Coeur

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