Pourquoi les cours boursiers varient-ils autant?

Publié le 2 mai 2014 à 16h00    Mis à jour le 7 mai 2014 à 17h06

Patrick Artus

On observe depuis l’été 2012 un mécanisme surprenant sur les marchés financiers de la zone euro. Les oscillations de l’aversion pour le risque des investisseurs se traduisent par des mouvements importants des cours boursiers, et en particulier des cours boursiers des banques. Nous pensons que cette réaction des investisseurs est surprenante et nous essayons de l’expliquer. Nous nous intéressons à la période qui commence à l’été 2012, avec le retour de la confiance dans la zone euro. Les variations des taux d’intérêt à long terme sans risque en Allemagne, en France, sur cette période, révèlent celles de l’aversion pour le risque. Les périodes de hausse de l’aversion pour le risque sont le printemps 2012 avec l’annonce de la création de l’OMT ; le printemps 2013 ; le début de 2014 (risques géopolitiques, crises des émergents).

On peut alors analyser la réaction des cours boursiers et de ceux des banques aux variations des taux d’intérêt à long terme en Allemagne, représentant celles de l’aversion pour le risque. Une baisse sur une journée de 1 point de base du taux d’intérêt à 10 ans en Allemagne fait baisser, sur la même journée, l’Eurostoxx de 0,22 % et fait baisser les cours boursiers des banques de 0,55 %, ce qui est considérable. La forte réaction des cours boursiers et surtout de ceux des banques aux variations de l’aversion pour le risque est a priori surprenante. La profitabilité des sociétés cotées se redresse rapidement (10 % de hausse des bénéfices par action en 2014) ; les banques ont considérablement accru leurs fonds propres ; la valorisation des actions ne montre pas de signe de surévaluation, avec un PER sur les résultats de 2015 inférieur à 15.

L’explication de la forte réaction des actions aux mouvements de l’aversion pour le risque est donc irrationnelle. Elle réside certainement de ce que les investisseurs en taux fixes (en dette) confrontés à l’abondance de la liquidité et aux taux d’intérêt très faibles sur les dettes sans risque se reportent plus facilement sur les dettes risquées que sur les actions : ce sont des investisseurs en taux ; les assureurs sont confrontés à Solvabilité 2. Par ailleurs, des positions longues ou courtes sur les actions sont faciles à utiliser par les hedge funds quand ils sont positifs ou négatifs sur les marchés. En réalité, si les dettes risquées et les dettes sans risque sont fortement substituables pour les investisseurs, cela n’est pas le cas pour les actions et les dettes sans risque.

Patrick Artus Membre du Cercle des Economistes

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Devenu en 1998 directeur de la recherche et des études de Natixis, il est promu chef économiste en mai 2013. Depuis septembre 2024, il est conseiller économique d'Ossiam. Il est également membre du Cercle des Economistes.

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