Recherche : Les actions, un investissement également à court terme

Publié le 14 janvier 2022 à 11h05

Jean-François Boulier

Le placement en actions peut être favorable aussi bien à court qu’à long terme, mais il faut savoir les sélectionner selon leur sensibilité au risque de marché.

Les actions sont réputées être un placement de long terme. Mais le long terme peut signifier selon les interlocuteurs des durées allant de 5 à 50 ans. De plus, les risques supportés par l’investisseur en actions s’avèrent variables dans le temps, car l’évolution du cycle et les crises, notamment, modifient substantiellement le profil de gain et de perte de cette classe d’actif. Et toutes les actions ne présentent pas le même potentiel de risque et de performance selon la situation économique et l’environnement financier. N’est-il pas nécessaire de moduler la taille et la composition de l’investissement en actions selon son horizon de placement et ces circonstances ?

Dans son article intitulé « Time Horizon, Risk, and Implication for Security Selection »*, Sundar Ramkumar analyse les performances de plus de 3 000 actions américaines pendant la période de 1963 à 2017 en considérant leurs comportements boursiers selon les périodes et les durées de détention. Il regroupe les actions selon cinq groupes en fonction de leur bêta (sensibilité du titre au risque de marché). Le premier groupe, d’un bêta moyen de 0,7 sur cette période, a eu une performance de 10,9 % par an avec une volatilité de 12 % alors que le cinquième groupe de bêta moyen de 1,5 a eu une performance de 12,5 % avec une volatilité de 25 %. A titre de comparaison, les obligations d’Etat américaines à cinq ans ont rapporté en moyenne 6,2 % (pour une volatilité de 5 %) et les liquidités 4,6 % sur la période.

En ce qui concerne spécifiquement le risque de court terme des actions, sur un horizon d’un mois, le premier groupe (de faible bêta) n’a perdu que 57 % de la perte du marché (et non 70 % comme son bêta l’aurait laissé supposer) quand le cinquième perdait lui 167 % de celle-ci (donc plus que les 150 %) ; quand le marché est à la hausse, le premier groupe participe à 75 % de cette hausse quand la participation du cinquième groupe est, elle, de 144 %. Le risque de baisse à court terme est donc plus limité avec des actions de faible bêta, pour un potentiel de hausse qui reste substantiel. Ce point est également confirmé par l’analyse des valeurs d’autres indicateurs de risque comme la Value at Risk conditionnelle. L’auteur conclut qu’il peut donc être judicieux en situation de turbulences boursières potentielles de sélectionner des actions de faible bêta tout en gardant une plus grande allocation en actions, qui peut s’avérer plus rentable qu’un accroissement de l’allocation en obligations.

A long terme, privilégier des actions trés sensibles au risque de marché

En ce qui concerne le risque de long terme, en revanche, le groupe de fort bêta présente une certaine supériorité. Il est courant de comparer la dispersion (variance) des rentabilités des placements avec l’horizon de placement car, dans le modèle de référence, celle-ci devrait être proportionnelle à l’horizon. Sur cette période de plus de cinquante ans, la dispersion n’augmente que de 57 % pour les actions du groupe de fort bêta, presque moitié moins que le marché, alors que celle du groupe de faible bêta croît de 110 %. Ceci se traduit par des ratios de Sharpe (excès de rentabilité divisée par le risque) sur longue période, 10 ou 20 ans, favorables aux actions de fort bêta, pratiquement de l’ordre de 1, alors qu’il est à peine de 0,3 pour un horizon d’un mois. Si l’investisseur n’a pas de besoin de liquidités, le groupe d’actions de fort bêta a donc plus de potentiel d’appréciation.

Ces travaux sur le marché américain réputé pour sa stabilité monétaire et économique seraient aussi très utiles pour les pays européens et la zone euro en particulier. L’approche indicielle mérite d’être enrichie par catégories de titres en fonction de composantes plus précises comme le suggère cet article. Au demeurant, si ces études montrent le potentiel de long terme de la classe d’actif, elles peuvent être complétées par des méthodes d’allocations tactiques et de sélection de titres qui ont fait leur preuve. Mais là encore, tout est affaire de discipline et de patience. 

* Sundar Ramkumar, « Time Horizon, Risk, and Implication for Security Selection », Journal of Portfolio Management, juin 2020.

Mots clés Investissement
Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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