Adeptes du télétravail depuis le début de la crise sanitaire, les cabinets d’audit et de conseil ont renforcé le recours à ce type d’organisation ces derniers mois. Une solution mise en place pour répondre aux nouveaux besoins des salariés et les fidéliser, mais également pour attirer de nouveaux candidats, dans un marché du travail très tendu.
Finaliser son dernier rapport d’audit ou analyser les comptes de la cible d’une future opération d’acquisition depuis chez soi, c’est désormais pratique courante pour les salariés des cabinets d’audit et de conseil.
Très peu pratiqué avant le début de la crise sanitaire, le télétravail s’est accéléré, comme dans la majeure partie des entreprises, lors du premier confinement. « Avant, le télétravail existait, mais il était peu utilisé, rappelle Valérie Vezinhet, directrice des ressources humaines de PwC France et Maghreb. Nous avions prévu, avant que la crise sanitaire ne débute, de l’étendre davantage au sein du groupe. La Covid a finalement accéléré sa mise en œuvre, et nous a permis de tester en grandeur nature son application. » Mais à la différence des autres sociétés, qui ont ensuite fixé à un ou deux jours maximum par semaine le quantum de travail à distance, les cabinets d’audit et de conseil ont choisi d’aller plus loin. « Nous avons très vite voulu préparer l’après-Covid, assure Audrey Deconclois, DRH d’EY France. Nous avons alors décidé de permettre à nos collaborateurs de travailler d’où ils le souhaitent, et le nombre de jours voulus, sachant que des jours de présence au bureau restent nécessaires à l’organisation. Nous avons choisi d’être très flexibles et de proposer une offre à la carte. »
Une majeure partie de la semaine en télétravail
Toutes les tailles de cabinet sont concernées par ce changement d’organisation. Les « big », PwC et EY, sans toutefois autoriser le télétravail permanent, ont ainsi choisi de proposer des formules très flexibles, sans limite hebdomadaire. Chez BDO, le travail à distance vient de passer de 2 jours après les premiers confinements, à 4 jours désormais, avec la possibilité d’opter pour 4 semaines de télétravail continues pendant l’année. PKF Arsilon, ex-entité de PwC, a de son côté décidé de proposer 3 jours de télétravail par semaine, mais accepte que certains collaborateurs soient en télétravail à plein temps. Tous les salariés de ces cabinets sont concernés.
Cette souplesse est néanmoins encadrée. Les DRH délèguent généralement l’organisation du travail à distance aux managers de chaque service. « Bien que son organisation soit souple, le télétravail se met en place en concertation au sein de chaque équipe en fonction des besoins de se retrouver pour travailler ensemble et des souhaits individuels, et le client doit rester prioritaire », souligne Audrey Deconclois. Toutefois les cabinets veillent aussi à ce que leurs collaborateurs ne travaillent pas plus qu’habituellement. « Les salariés doivent trouver un rythme de travail qui leur est propre mais qui ne les fait pas travailler davantage que lorsqu’ils viennent au bureau, prévient Audrey Deconclois. Le temps de transports économisé peut être utilisé pour que chacun adapte son rythme de travail à son agenda, y compris personnel. De même, ils doivent profiter d’une vraie pause déjeuner. »
«Bien que son organisation soit souple, le télétravail se met en place en concertation au sein de chaque équipe en fonction des besoins de travail collectif et des souhaits individuels. »
Un sujet abordé en entretien
Par ces nouveaux modes de travail, les cabinets espèrent retenir davantage leurs collaborateurs. « La population des cabinets d’audit et de conseil est relativement jeune, explique Arnaud Naudan, président de BDO France. Elle a besoin de liberté d’action, d’indépendance, de sens dans son travail et qu’on lui accorde de la confiance. Le renforcement du télétravail intervient dans une dynamique de transformation de nos métiers. » Avant de renforcer le télétravail, les cabinets ont en effet sollicité leurs collaborateurs pour connaître leurs souhaits. « Nous les avons réunis en workshop virtuel afin d’écouter leur vécu du 100 % à distance et de connaître leurs envies concernant le retour au bureau, explique Audrey Deconclois. La majorité ne se voyait pas revenir travailler comme avant. »
De plus, les cabinets comptent également recruter plus facilement de nouveaux candidats. « La question du télétravail est désormais posée quasiment systématiquement en entretien, remarque Valérie Vezinhet. Ce n’est pas encore forcément un critère primordial, mais c’est un point important qui peut jouer dans la balance si le candidat reçoit plusieurs propositions d’embauche. » Pour se donner les chances de capter les meilleurs profils, PKF Arsilon a choisi, quant à lui, de proposer une offre totalement flexible pour certains candidats. « Nous sommes en mesure de proposer un télétravail à 100 % afin de pouvoir recruter des profils qui nous intéressent, mais qui ne sont pas basés géographiquement à côté d’un de nos bureaux », précise Laurent Gravier, associé-président du cabinet.
Pour l’instant, les cabinets ont encore peu de recul quant aux effets du télétravail sur les recrutements et sur la fidélisation de leurs salariés. Toutefois, ces derniers utiliseraient de plus en plus le nombre de jours de télétravail à leur disposition, bien que peu de chiffres puissent aujourd’hui confirmer ce ressenti. « Il est difficile pour nous de mesurer le nombre de jours de télétravail utilisés par les collaborateurs car nous n’avons pas de système de validation des jours télétravaillés compte tenu de notre philosophie de grande souplesse, précise Audrey Deconclois. Toutefois, les bureaux sont moins remplis qu’avant, surtout le vendredi ! » Un mode de fonctionnement qui n’entacherait toutefois pas la productivité des collaborateurs, au contraire.
De nouveaux outils pour attirer les candidats
- Le télétravail n’est pas la seule solution mise en œuvre par les cabinets pour attirer les candidats et retenir leurs salariés.
- PKF Arsilon a ainsi choisi d’instaurer la semaine de 4,5 jours, du 1er juillet au 31 décembre de chaque année. « Nous sommes une jeune marque puisque nous avons pris notre indépendance de PwC France il y a un an, rappelle Laurent Gravier. Dans le cadre d’un travail sur notre nouvelle marque, nous avons consulté nos collaborateurs pour connaître leurs attentes. Le respect de l’équilibre vie privée/vie professionnelle est apparu comme l’une de leurs premières préoccupations. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en place une semaine réduite, sur le second semestre où l’activité est moindre. » Sa mise en place est souple. « La demi-journée est fixée dans chaque bureau en accord avec les souhaits des collaborateurs tout en prenant en compte les impératifs professionnels, les mercredis et vendredis après-midi ont été largement plébiscités ! précise Laurent Gravier. L’objectif n’est pas que les salariés se retrouvent surchargés en devant effectuer le même travail sur 4,5 jours au lieu de 5. C’est la raison pour laquelle dans le même temps nous mettons en œuvre un programme de recrutements élargi pour réduire globalement la charge de travail de nos collaborateurs. »