Les réseaux professionnels ne sont plus aujourd’hui réservés aux hommes. De nombreuses associations sont désormais dédiées à la promotion des femmes au sein des entreprises et les aident à développer leur carrière.
Au mois de juin dernier se lançait l’association Women in Restructuring dont l’objectif est de créer un réseau féminin solidaire sur le thème des entreprises en difficulté. La promotion des femmes étant devenue un sujet sociétal de premier ordre, le phénomène de réseaux de femmes a explosé ces cinq dernières années, alors que les réseaux étaient longtemps restés l’apanage des hommes.
Ainsi, il existe aujourd’hui de nombreuses associations professionnelles de femmes : des instances sectorielles comme pour celui de la finance (Women in Fintech, DFCG au Féminin), d’autres consacrées à certaines fonctions telles que la promotion des femmes dans les conseils d’administration avec l’International Women’s Forum, mais aussi des réseaux internes aux entreprises, à l’instar d’Accent Sur Elles d’Accenture, de MixCity de BNP Paribas, et de WAAG (Women at Accor Generation) d’Accor Hotels, avec l’ambition de briser les plafonds de verre et de casser les préjugés.
Un lieu de réveil de conscience
L’objectif de ces différents clubs est le même : contribuer à casser le plafond de verre auquel les femmes sont encore confrontées, tant en termes de rémunération que de parcours. Pour ce faire, ces réseaux travaillent d’abord à faire évoluer la mentalité des femmes elles-mêmes. L’une des premières causes de manque de représentativité des femmes dans les instances dirigeantes semblerait être le manque d’audace. «A un moment donné, les femmes doivent prendre conscience qu’elles sont dans l’autocensure et doivent cesser de croire que seul leur travail paiera un jour, estime Cécile Bernheim, présidente du Professional Women Network Paris. Etre dans un réseau est indispensable pour sortir de l’environnement de l’entreprise.»Aussi, pour favoriser l’éclosion mentale des femmes, certains clubs mettent en place des ateliers de coaching.«Il faut donner une crédibilité naturelle à la femme, réclame Sylvie Gladieux, nouvelle présidente de DFCG au féminin. Encore trop souvent dans les entreprises, l’éducation conduit involontairement les femmes à choisir la place de numéro deux.» Ces ateliers proposent ainsi des cours des postures, du travail sur la voix, des livres blancs sur la communication positive pour améliorer les échanges mixtes et la promotion des femmes dans la finance par exemple. «L’idée est de former les femmes à postuler dans les sociétés où le quota des femmes n’est pas respecté, indique Françoise Saves, présidente de l’Association des femmes expertes-comptables. Nous les coachons pour qu’elles partent à leur conquête.»
Par ailleurs, la technique du mentoring est aussi largement répandue dans les réseaux féminins. «Nous privilégions cet outil pour sa bienveillance, raconte Martine Liautaud, présidente de Women initiative fondation. Il offre à une femme l’opportunité d’une relation privilégiée avec un mentor d’expérience (lequel peut parfois être un homme) qui apporte ses compétences et sa vision stratégique pour les accompagner dans leur développement.»
Le développement du networking
Toutefois, ces associations privilégient aussi des formats de rencontres plus traditionnels à Paris ou en régions. «Nous organisons des déjeuners ou des afterworks une fois par mois, illustre Sylvie Gladieux. Beaucoup de femmes, en sortant de ces événements, nous confient avoir plus de confiance en elles.»Certains clubs mettent enfin en place des observatoires, sensibilisent leurs adhérentes via des conférences favorisant les échanges et les débats. «Tout au long de l’année, nous organisons des événements animés par des spécialistes, autour de problématiques rencontrées par des collaboratrices des secteurs financiers au cours de leur parcours professionnel, indique Sylvie Gladieux. Il peut s’agir d’ateliers de soft skills sur le thème de la confiance en soi ou de témoignages de parcours de femmes comme celui d’une jeune conservatrice de musée qui travaille à l’équilibre paritaire de ses programmes.» Ces événements permettent de partager des expériences vécues et surtout de développer son propre réseau.
Car au final, toutes ces initiatives incitent les femmes à recourir au networking, si courant et naturel pour leurs homologues masculins. «Les femmes ont mis du temps à comprendre l’importance du networking pour le développement de leur carrière, regrette Cécile Bernheim. Pourtant, networker est un élément essentiel pour élargir son horizon, se créer des relations qui pourront être activées à la fois dans le cadre des responsabilités exercées mais aussi pour envisager et faciliter la mobilité professionnelle.»En la matière, ces associations peuvent capitaliser sur la présence de femmes influentes, venues de secteurs industriels variés et occupant des fonctions à différents échelons de l’entreprise.«La puissance d’un réseau féminin est de faire profiter les femmes du carnet d’adresses des autres et d’organiser des rendez-vous réguliers entre femmes d’affaires pour échanger et se soutenir mutuellement car la solidarité féminine est essentielle», insiste Lucille Desjonquères, présidente de l’International Women’s Forum France. Ainsi, de façon informelle et fluide, les adhérentes obtiennent plus facilement des informations sur une entreprise en quête d’un profil féminin sur un poste à pourvoir.
Une enquête américaine publiée en février dernier et menée par deux chercheurs en psychologie, Shawn Achor et Michelle Gielan, experts de la psychologie positive, sur un panel de 2 600 femmes exerçant différentes fonctions dans divers secteurs, a d’ailleurs donné des résultats stupéfiants : elle démontre que les femmes participant à des événements créés par des réseaux féminins ont deux fois plus de chances d’obtenir une promotion professionnelle et une augmentation de salaire dans l’année qui suit. Et cette revalorisation est, dans 30 % des cas, substantiellement supérieure à celles qui ne fréquentent aucun réseau.
Questions à… Clara Gaymard, présidente du Women’s Forum for Economy and Society
Comment expliquez-vous que très peu de femmes exercent, encore aujourd’hui, des postes à responsabilité dans la finance ?
Il est toujours compliqué de faire évoluer les mentalités. L’entrée des femmes dans des écoles comme Polytechnique ou HEC n’est pas si lointaine, elle remonte à la fin des années 1970. Quelques femmes de 50 ans, peu nombreuses, ont réussi à accéder à des fonctions de directrices financières et elles peuvent être considérées comme des pionnières. Mais aujourd’hui, il existe un réel vivier de talents féminins qui n’est pas exploité à sa juste valeur. D’autant que les femmes qui parviennent à survivre dans un monde d’hommes tel que celui de la finance sont excellentes !
Par ailleurs, la loi Copé-Zimmerman relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, qui impose que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne puisse être inférieure à 40 %, ne date que de 2011 et elle ne concerne pour le moment que les entreprises du CAC 40. La promotion des femmes est donc une question de volonté des chefs d’entreprise.
Quels conseils donneriez-vous à celles qui veulent réussir dans la finance ?
D’abord une femme doit oser demander un poste à responsabilité. Les opportunités professionnelles se cherchent et se trouvent. Il existe toujours une possibilité de faire son chemin. Surtout, une femme doit poursuivre ses objectifs malgré les obstacles. Les injustices doivent stimuler les femmes, qui ne doivent pas se complaire dans un rôle de victimes.
J’ajoute que notre Women’s Forum a d’ailleurs permis la création de centaines de réseaux féminins (femmes ingénieurs, femmes dans la finance, etc.). Certains réseaux d’hommes ouvrent leurs portes aux femmes, mais ces dernières ont également besoin de se retrouver entre elles pour se rendre compte qu’elles ne sont pas seules. Cette solidarité est née grâce au Women’s Forum et ne cesse de se renforcer.
A l’inverse, je dis toujours aux hommes qui hésitent à confier certains postes à des femmes sous prétexte qu’elles n’ont pas le profil attendu, que toutes les enquêtes démontrent que les entreprises pratiquant la parité ont les meilleurs résultats, et que les PME dirigées par des femmes font moins faillite que les autres.
Des femmes encore exclues du top management
Depuis sa promulgation en 2011, la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite aussi «loi Copé-Zimmermann», fixe un quota obligatoire de 40 % du sexe sous-représenté dans les conseils au 1er janvier 2017 dans les entreprises cotées et dans les sociétés comptant plus de 500 salariés permanents et un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros. «Il est important de prendre conscience que seulement 12 % de femmes siègent dans les comex. Et si l’on retire les fonctions RH et communication, il reste uniquement 4 % de profils féminins qui interagissent sur l’activité et le déploiement de nos entreprises, souligne Lucille Desjonquères, présidente de l’International Women’s Forum France. Il serait enfin temps d’exploiter les nombreux talents féminins et d'équilibrer les instances de directions.» Aujourd’hui, 100 % des PDG du CAC 40 sont des hommes, seulement neuf femmes dirigent des entreprises du SBF 120, dont Isabelle Kocher, unique femme directrice générale du CAC. Une seule femme est présidente d’un conseil d’administration, Sophie Bellon chez Sodexo.