Métier

Le chief revenue officer, nouveau partenaire des financiers

Publié le 10 mars 2017 à 16h28

Guillaume Clément

Peu connu en France, le métier de chief revenue officer commence à se développer au sein de certaines entreprises. En charge de l’optimisation des revenus, ce collaborateur travaille notamment avec la direction financière dans le cadre de l’élaboration des prévisions budgétaires et de l’identification des leviers susceptibles d’améliorer les marges.

Euronews, Criteo, Dailymotion, Meltygroup… Ces entreprises ont en commun d’avoir recruté ces dernières années des collaborateurs à un poste encore très peu répandu en France : celui de chief revenue officer (CRO). «Cette fonction est apparue il y a un peu moins de 10 ans aux Etats-Unis et commence tout juste à se développer en Europe continentale, confirme Martin Villelongue, directeur pour les fonctions commerciales et marketing au sein du cabinet de recrutement Michael Page. Si le CRO se rapproche fortement du directeur commercial, il se caractérise toutefois par des prérogatives plus étendues en matière de marketing, d’analyse financière et surtout d’utilisation des données (datas).»

De ce fait, le métier de CRO a initialement émergé au sein des secteurs fortement liés au numérique. Ses principales missions consistent en effet à identifier de nouveaux leviers susceptibles d’augmenter les revenus des entreprises, en s’appuyant notamment sur l’essor des nouvelles technologies numériques. «Les secteurs de l’Internet, des médias et de la communication ont ainsi été parmi les premiers à chercher comment “monétiser” le fort volume de données qu’elles collectent dans le cadre de leurs activités quotidiennes (profils d’utilisateurs de sites web, fréquence de consultation de pages Internet, etc.)», poursuit Martin Villelongue.

Mais la numérisation croissante de l’économie a également déjà incité d’autres secteurs à engager des CRO. «Bien que notre cœur de métier ne soit pas lié au numérique, nous nous appuyons de manière croissante sur l’analyse des datas pour améliorer la rentabilité de nos prestations commerciales», illustre Etienne Goujot, chief revenue officer du groupe spécialisé dans les croisières Ponant (165 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015).

Un rôle stratégique

Pour mener à bien leurs missions, les CRO doivent mobiliser différents types de compétences. D’abord, la compréhension du business model de leur entreprise et la maîtrise des techniques marketing sont clés. «L’un des principaux leviers permettant d’augmenter les revenus constitue en effet la mise en place d’offres mieux ciblées sur les attentes des clients, explique Etienne Goujot. Il est donc essentiel que le CRO sache exploiter des études de marché et analyser des comportements de clientèle (type de prestations préférées, habitudes de consommation, etc.) pour pouvoir mettre en place de nouvelles stratégies commerciales et marketing.» Ensuite, la capacité des CRO à exploiter des données opérationnelles, mais aussi financières, revêt une importance fondamentale pour leur métier.«Les CRO doivent disposer d’une culture financière suffisante pour pouvoir analyser des données telles que les marges des produits, les indicateurs clés de performance (KPI) ou être en mesure de calculer précisément le retour sur investissement (ROI) d’un projet», précise Jacques Froissant, président-directeur général du cabinet de recrutement Altaïde. Ces aspects sont d’autant plus importants que le chief revenue officer collabore régulièrement avec la direction financière… «Nous travaillons en effet avec la fonction finance pour définir les budgets et les objectifs pour les exercices à venir, notamment en nous basant sur les prévisions de revenus et de marges réalisées par mes équipes», illustre Etienne Goujot.

La coopération entre le chief revenue officer et le directeur financier est en outre facilitée par le fait qu’ils sont généralement tous deux situés au même rang hiérarchique, c’est-à-dire rattachés à la direction générale et souvent membres du comité exécutif. «Dans ce cadre, j’ai par exemple déployé en 2015 – en parallèle de notre stratégie principale consistant à approcher directement les annonceurs – une démarche visant à nouer des partenariats avec des agences de médias afin que celles-ci proposent à leurs clients nos solutions de personnalisation de contenus publicitaires lorsqu’elles répondent à un appel d’offres, indique Eric-Alexis Fortier, chief revenue officer de la start-up de technologies publicitaires (adtech) ADventori. Nous avons ainsi conclu une dizaine d’accords, qui génèrent actuellement environ 30 % de notre chiffre d’affaires total.»

Des profils expérimentés

Compte tenu du périmètre d’activités étendu de ce poste, les entreprises cherchant à recruter un CRO ciblent avant tout des profils expérimentés. «La plupart des CRO sont diplômés d’écoles de commerce ou titulaires d’un master universitaire dans ce domaine, explique Jacques Froissant. Ils disposent en outre d’au moins 10 ans d’expérience professionnelle.»Le plus souvent, les recruteurs apprécient particulièrement les candidats qui ont précédemment occupé des fonctions de direction commerciale ou marketing au sein d’entreprises du web, de communication ou de médias.«Avant de rejoindre ADventori en 2015, j’ai notamment œuvré durant neuf ans au sein de la société spécialisée dans la publicité numérique HiMedia, d’abord comme responsable des ventes, puis comme responsable du développement commercial du département “publishing”, avant d’occuper durant environ trois ans le poste de managing director pour la France de la start-up de reciblage publicitaire MyThings», illustre Eric-Alexis Fortier.

Si les expériences au sein de sociétés «numériques» sont appréciées, elles ne représentent toutefois pas une condition sine qua non pour devenir chief revenue officer. «Je me suis vu proposer le poste de CRO de Ponant en 2013 alors que j’avais durant les sept années précédentes principalement occupé des fonctions de responsable du plan et des prévisions, ainsi que de senior manager en charge de la tarification des parcs et des hôtels chez Disneyland Paris, ou encore de responsable des prix pour les activités internationales d’Europcar International», souligne Etienne Goujot.

Des salaires compris entre 80 000 et 120 000 euros

En termes de rémunération, les CRO disposent généralement d’un salaire annuel fixe compris entre 80 000 et 120 000 euros bruts. «Ce montant varie le plus souvent en fonction de la taille de l’entreprise, précise Jacques Froissant. La fourchette basse correspondra généralement à des start-ups et des PME, tandis que la borne haute sera plutôt atteinte dans les ETI et les grands groupes.»En outre, les chief revenue officers perçoivent, à l’instar des directeurs financiers, une rémunération variable représentant généralement entre 20 et 25 % de leur gratification totale.«Les principaux critères d’attribution de ces “bonus” portent sur la progression des revenus et des marges de l’entreprise et/ou de certains produits», souligne Martin Villelongue.

Si les professionnels évaluent seulement à quelques dizaines le nombre de chief revenue officers en France aujourd’hui, la digitalisation croissante des entreprises devrait conduire à de nouveaux recrutements au cours des prochains mois, notamment dans les secteurs des télécoms, du divertissement et de l’hôtellerie-restauration.

Des chantiers à la fois opérationnels et financiers

  • Les chief revenue officers pilotent alternativement des projets opérationnels et financiers. Certains mènent ainsi des chantiers orientés vers l’optimisation des activités de l’entreprise par le biais de techniques marketing. «J’ai initié il y a neuf mois un programme visant à réorganiser les boutiques de nos bateaux de croisière (disposition des rayons, mise en avant des produits les plus rentables, etc.) afin de doubler d’ici trois ans les revenus liés à cette activité», illustre Etienne Goujot, CRO de Ponant.
  • D’autres chief revenue officers mènent pour leur part des projets liés à l’optimisation du pilotage des cash-flows. «Afin d’améliorer notre visibilité sur nos sources de revenus, j’ai par exemple mis en place des outils de pilotage permettant d’évaluer en temps réel la rentabilité de chaque action commerciale, ainsi que des réunions régulières avec les équipes opérationnelles concernées destinées à identifier de nouvelles pistes d’amélioration», explique Eric-Alexis Fortier, CRO de ADventori.

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