Le phénomène de digitalisation ne va pas seulement modifier le travail au sein des directions financières. Il va aussi faire évoluer considérablement les missions des directeurs financiers.
Le digital est une nouvelle révolution industrielle qui vient bouleverser profondément les entreprises. Et le métier de directeur administratif et financier (DAF) n’est pas épargné.
La digitalisation des directions financières va en effet d’abord impacter de plein fouet deux fonctions historiques et fondamentales : la comptabilité et le contrôle de gestion. Concernant la comptabilité, grâce à la robotisation et à l’automatisation progressives des systèmes d’information, des tâches manuelles et répétitives de comptabilité sont de plus en plus facilitées. Les informations comptables sont collectées quasiment instantanément. «Pour les paiements en carte bancaire, par exemple, il n’est plus nécessaire de rapporter la facture papier au service comptabilité, explique Thibault Rémy, directeur administratif et financier de Meilleursagents.com. Des outils comme Spendesk permettent maintenant d’importer directement la photo d’un justificatif de paiement prise avec un smartphone.»
Concernant le contrôle de gestion, la clôture des comptes va également être simplifiée par l’intelligence artificielle. En effet, celle-ci permet l’utilisation d’une nouvelle génération de tableaux de bord, présentant synthétiquement et quotidiennement les différentes activités des entreprises, sous forme d’indicateurs qui permettent de contrôler la réalisation des objectifs fixés et d’offrir une vision des flux en temps réel. Ainsi, «le temps passé sur les reportings mensuels va considérablement diminuer, indique Thibault Rémy. Le directeur financier du futur va pouvoir se consacrer à une analyse plus qualitative et prospective des données».
L’enjeu de la gestion des données
La gestion des données constitue à ce titre le changement majeur auquel le directeur financier sera confronté dans l’exercice de son métier dans les prochaines années.
Il est déjà celui qui s’engage personnellement sur la qualité des informations qui sont publiées à des tiers, aux actionnaires, aux banquiers, aux analystes… Mais le nombre d’informations à diffuser va encore augmenter avec les nouvelles réglementations en matière sociale et environnementale, comme avec le règlement européen général de protection des données (GDPR), qui entrera en vigueur en mai prochain, et qui obligera les entreprises à garantir, vis-à-vis des autorités, la sécurité des données personnelles de leurs clients. Les directeurs financiers vont donc devoir se doter de nouveaux outils pour sensibiliser les différentes branches d’activité de l’entreprise à ces obligations.
Ils vont aussi être amenés à faire évoluer la façon dont l’entreprise prend ses décisions. «Le DAF sera la seule personne capable de maîtriser les données (big data) et pourra s’en servir pour être force de proposition», explique Nicola Iglio, manager financier au cabinet 99 Advisory. Déjà partie prenante des choix d’investissements stratégiques de l’entreprise, il interviendra non plus seulement sur la partie financière, mais plus en amont encore. «Grâce à l’intelligence artificielle, le DAF pourra anticiper les comportements clients, prendre des options concernant des investissements, des variations dans les stocks, des positionnements sur des prix et cibler les activités les plus rentables», indique Thibault Rémy.
Le recrutement de nouveaux types de talents
Pour mener à bien ses nouvelles missions, le directeur financier va devoir s’entourer d’une équipe capable de suivre les évolutions. La révolution numérique a d’ores et déjà un impact sur les effectifs de comptables et de contrôleurs de gestion, qui vont progressivement diminuer à cause de la robotisation et de l’automatisation. De ce fait, longtemps considéré comme une des voies royales de l’entreprise, la fonction finance est en train de perdre en attractivité. C’est pourquoi les directeurs financiers vont devoir élargir leur champ d’action aux ressources humaines, en étant capables de recruter de nouveaux types de talents. «Les DAF vont rechercher des profils de business analyst venus du monde du conseil ou de la banque pour assurer l’interface entre les traitements numériques des données financières et les départements opérationnels de plus en plus en demande d’indicateurs financiers pour piloter leur activité», indique Thibault Rémy.
Ces recrutements devront également s’accompagner d’un changement d’état d’esprit pour le directeur financier. En effet, dans la plupart des entreprises, le DAF est vu comme celui qui décide des budgets, qui exige un retour sur investissement… et qui dit souvent non. Or, aujourd’hui, dans un contexte de digitalisation des entreprises, le directeur financier doit devenir, lui aussi, un promoteur de l’innovation. Il doit changer sa manière d’appréhender les propositions de projets d’investissement, d’acquisition qui lui sont soumis. «Désormais, lorsqu’une entreprise veut lancer une activité nouvelle, elle n’hésite plus à racheter ou à s’allier avec une start-up. Dans ce cadre, le DAF doit être un soutien à l’innovation et favoriser de nouvelles approches», observe Damien Palacci, associé chez BearingPoint. En outre, au sein même de sa direction financière, il doit être capable de déployer des démarches innovantes et de soutenir ses équipes : cela signifie allouer des budgets pour autoriser des expérimentations et inventer de nouvelles façons de fonctionner en interne. Une vraie révolution !
Un risque de réputation accru pour les entreprises
- Ayant accès à la donnée grâce aux nouveaux outils numériques, les directeurs financiers pourront alerter bien en amont les équipes commerciales ou de production de l’entreprise sur l’évolution anormale de produits. Ils pourront ainsi aider à la détection de problèmes survenus dans les ventes et prévenir un éventuel impact négatif sur le chiffre d’affaires. Ils contribueront également par là même à la gestion du risque de réputation de l’entreprise.
- La révolution industrielle engendrée par le digital a en effet conduit de nombreux groupes industriels à passer d’une activité classique B to B à une stratégie B to B to C. «L’Oréal, par exemple, avait historiquement pour clients Carrefour ou Sephora. Aujourd’hui, le groupe s’adresse aussi directement aux consommateurs finaux par le biais de leur site Internet, des programmes de fidélité et des réseaux sociaux», observe Damien Palacci, associé chez BearingPoint. Les entreprises seront donc beaucoup plus exposées en termes de réputation.