Progressivement, le directeur juridique a vu son champ de compétence s’élargir. Il intervient de plus en plus dans l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, qu’il soit sous la responsabilité du directeur financier ou qu’il collabore avec lui. Une évolution qui pousse les entreprises à augmenter leurs exigences en termes de recrutement.
Le temps est désormais bien loin où le rôle du directeur juridique se bornait à assurer le secrétariat du conseil d’administration. Depuis quelques années en effet, l’étendue de ses missions s’est considérablement élargie. «Cette fonction a connu une forte mutation, explique Mélanie d’Adesky, manager exécutif au sein de la division juridique et fiscale de Michael Page. Aujourd’hui, les entreprises demandent à leur responsable de définir une véritable politique juridique pour l’ensemble du groupe, de façon transversale, et de participer à la prévention des risques.»
Le directeur juridique joue ainsi, désormais, un rôle de conseil stratégique auprès de la direction générale.«Pour toutes les mises en place de processus ou de contrats importants, je suis amené à intervenir à la fois en amont, pour détecter les risques potentiels, et en aval, pour gérer d’éventuels contentieux, en accord avec l’ensemble des partenaires internes», témoigne Benoît Dutour, directeur juridique groupe de Rexel.
Cette évolution du métier de directeur juridique plaide de plus en plus pour son rattachement direct à la direction générale plutôt qu’à la fonction finance. D’après une enquête menée l’année dernière par EY Sociétés d’avocats, 48 % des directions juridiques sont placées sous la responsabilité de la direction générale contre seulement 27 % qui dépendent du directeur financier. Plus largement, cette dernière situation se rencontre le plus souvent dans les PME, où le responsable juridique est souvent seul et travaille majoritairement avec des avocats. Il est donc un collaborateur direct du directeur administratif et financier.
Dans des structures plus importantes, c’est l’étendue de ses compétences qui déterminera le degré d’autonomie de la direction juridique. Celle-ci peut être large. «Appartenant à une société cotée en bourse, je dois, au titre de mes attributions, m’assurer de la bonne réalisation du document de référence. Je suis également en charge de toute la partie gouvernance, et de la gestion du respect des obligations réglementaires, explique Benoît Dutour. Mon poste implique également une importante part de management, car je supervise, au sein de ma direction, 40 personnes, dont 15 au siège, et le reste en filiales.»
En outre, dans un contexte de plus grande judiciarisation de la vie des affaires et de l’entreprise, le directeur juridique tend à élargir son périmètre d’action au cours de sa carrière. «Celui-ci peut ajouter plusieurs cordes à son arc : en plus du droit des affaires et de la compliance, il peut prendre en charge le pôle corporate, le pôle assurances et le risk management, note Sophie Hauret, division manager du cabinet de recrutement Robert Half juridique et fiscal. Un rattachement à la direction générale prend alors tout son sens.»
Si, dans leur grande majorité, les directeurs juridiques préfèrent ne pas dépendre de la tutelle de la fonction finance, dans l’exercice de leur mission, cette question du rattachement n’a finalement que peu d’incidence. Dans les faits, le directeur juridique travaille souvent en binôme avec le directeur financier.«Il s’agit vraiment d’un partenariat, explique Sophie Hauret. Tous deux apportent un cadre de sécurité à l’activité de l’entreprise.»
Une collaboration encore plus essentielle dans un environnement économique incertain. «Le directeur juridique a acquis un rôle de conseil auprès de la direction financière et de la direction générale, souligne Mélanie d’Adesky. On attend de lui qu’il propose des solutions pour améliorer la performance et pour minimiser les risques financiers.» Ce travail d’analyse permettra ainsi au directeur financier d’établir, par exemple, des provisions par rapport à des risques juridiques ou réglementaires.
Le responsable de la fonction juridique s’assurera également que la rédaction des clauses contractuelles garantit bien la rentabilité d’une vente ou d’une prestation, et mènera les actions nécessaires au recouvrement. De même, il apportera ses compétences dans le choix de la structure retenue dans le cadre d’une acquisition ou de la création d’une joint-venture.
Pour mener à bien ses différentes missions, le directeur juridique doit disposer d’un parcours professionnel solide. En règle générale, après un master 2 en droit des affaires ou en droit des contrats – et, de préférence, l’obtention du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) – le futur directeur juridique fait ses débuts dans le conseil. «Souvent, les candidats ont fait leurs premières armes dans des cabinets d’avocats, pendant une dizaine d’années, en particulier dans les domaines du droit des affaires, du contentieux, ou des fusions-acquisitions», explique Sophie Hauret.
D’autres choisissent de rejoindre directement l’entreprise. «Le poste est également ouvert à des professionnels, affichant au moins une quinzaine d’années d’expérience, et ayant exercé les fonctions de responsable juridique ou de juriste senior encadrant une équipe», ajoute Mélanie d’Adesky. Mais face aux nouvelles attentes des entreprises, posséder également un solide bagage économique devient plus que nécessaire. «Un nombre grandissant d’entreprises gérant désormais en interne l’activité corporate ainsi que les projets de croissance externe, les experts en droit des sociétés sont très recherchés, affirme Vanessa Sonigo-Rozenbaumas, senior manager RH, juridique et fiscal chez Robert Walters. L’accent a été mis sur les profils de juristes justifiant au minimum de 8 à 10 ans d’expérience, précédé d’une expérience significative au sein d’un cabinet d’avocats. Au sein des sociétés cotées, une expertise en droit boursier est souvent demandée.» Dans ce dernier cas, il est souvent préférable d’avoir suivi le cursus complet d’une école de commerce en parallèle à ses études de droit, ou au moins avoir obtenu un MBA. En outre, la maîtrise de l’anglais est également quasiment devenue un prérequis pour le directeur juridique, qu’il exerce dans une entreprise ayant des filiales à l’international, ou dans une PME concluant des contrats avec des partenaires implantés hors de France.
En contrepartie de ce niveau de qualification demandé, les rémunérations sont plutôt attractives. Selon Robert Half, le salaire fixe du directeur juridique démarre en moyenne à 65 000 euros bruts annuels dans les sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 100 millions d’euros. Il évolue entre 80 000 et 120 000 euros pour les sociétés réalisant un chiffre d’affaires maximum de 50 millions d’euros, et peut aller jusqu’à 150 000 euros dans les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 millions et 2 milliards d’euros. Dans certaines sociétés cotées, d’après les constatations de Robert Walters, il peut même atteindre jusqu’à 400 000 euros bruts annuels. En outre, dans la plupart des cas, la rémunération fixe se complète d’une part variable allant de 10 % à 30 %, voire 40 %.
En termes d’évolution, la perspective la plus répandue pour le responsable de la fonction juridique est d’accéder au poste de secrétaire général. Il peut également devenir DRH, ou évoluer vers un poste opérationnel en business unit, notamment dans les groupes de culture anglo-saxonne. Enfin, une nouvelle tendance commence à voir le jour : certains directeurs juridiques préfèrent se détourner de l’entreprise, en rejoignant un cabinet d’avocats en tant que counsel. Leur expérience et leur carnet d’adresses y sont généralement très appréciés.